pour revenir au menu précédent, tapez sur "retour" à la fin

La question scolaire

 

Quand on aborde la question scolaire sous l’angle de la laïcité, il convient de se rappeler que c’est précisément ainsi qu’elle le fut au début des années 1880, les lois Ferry (1882[1]) et Goblet (1886[2]) formant les premières étapes d’une entreprise qui allait culminer dans la Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des églises et de l’état[3]. On peut s’interroger sur l’ordre, qui est certainement le fruit des enseignements que les Républicains, justement appelés « opportunistes », ont tiré des erreurs de la Révolution française, trop impatiente d’imposer ses idéaux à des esprits qu’elle n’avait pas préparé à les adopter. La première République ayant échoué à gagner les suffrages parce qu’elle avait voulu contraindre les âmes, il fallait que la Troisième gagnât les âmes pour ne pas avoir à contraindre les suffrages. L’éducation n’est donc pas le but des républicains, elle n’est que le moyen privilégié de l’atteindre et ce but, c’est la laïcité.

Le contenu de cette notion tant de fois débattue et de nouveau remise à l’honneur alors même que nos institutions doutent d’elles-mêmes, n’est pas l’objet de notre propos : d’autres qui m’ont précédé ici en ont traité largement. Ce qui nous intéresse aujourd’hui c’est ce qu’il est advenu de la laïcité dans le champ scolaire, le sens qu’elle a pris, le rôle qu’on lui fait jouer, les objectifs qu’on lui assigne. On verra qu’à la gène de l’expression du législateur, répond la faiblesse de ses arguments, un laïcisme rampant et toujours plus envahissant emplissant le vide sidéral que laisse béant une pensée politique française en mal d’inspiration. Et pourtant, l’idée laïque gagnerait à accepter d’entrer en dialogue avec le religieux : peut-être craint-elle d’aboutir à la conclusion que le plus solide garant de son expression équilibrée est ce christianisme qu’elle a d’abord voulu borner et qu’elle se prépare désormais à évacuer avec l’ensemble des religions ?

Pour comprendre ces enjeux, nous allons tout d’abord chercher à analyser l’esprit qui anime les lois récentes concernant la laïcité scolaire, puis nous verrons comment ces lois sont appliquées, et enfin, nous examinerons quelques questions laissées en suspens du fait de l’orientation donnée actuellement à la politique d’éducation nationale.


 

1 : L’esprit des lois

 

 

1.1 : Une stricte neutralité ?

Le rapport de la Commission indépendante de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République, dite « Commission Stasi », et qui est à l’origine de la Loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics[4], édicte le principe suivant : « la laïcité, pierre angulaire du pacte républicain, repose sur trois valeurs indissociables : liberté de conscience, égalité en droit des options spirituelles et religieuses, neutralité du pouvoir politique ». Ce principe a été adopté sans réserve par les deux commissions parlementaires chargées d’examiner le projet de loi. Elles ont multiplié les protestations de bonne foi, la plus vibrante étant celle du Sénat qui affirme solennellement que « la loi ne s’oppose pas aux religions » (Rapport 219 fait au Sénat par M. Jacques Valade[5] en date du 25 février 2004, adresse) avant de rappeler que la neutralité vient « du latin neuter : ni l’un ni l’autre » (Rapport Valade, I, A) et que « laïcité tire ses racines du grec laos qui désigne le peuple rassemblé dans un projet de société[6] » (ibid.).

Pourtant, la loi de 2004, fut clairement comprise par tous comme une loi sur le voile islamique, aussi bien par ceux qui l’appelaient de leurs vœux que par ceux qui en rejetaient le principe. De fait, le texte mentionne bien, en plus des « signes », les « tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse » (art. 1), faisant écho au souhait du Président de la République qui estimait que « les signes ostensibles (…) ne sauraient être admis (…) : le voile islamique, quel que soit le nom qu'on lui donne, la Kippa[7] ou une croix manifestement de dimension excessive » (Discours du 17 décembre 2003 : cf. annexe 2). L’ajout, lui ostensible, de la kippa et de la croix, depuis repris comme un refrain par les politiques, n’a trompé personne et, de toute façon, ne change rien au problème : bien que se proclamant neutre, l’état est entré dans le champ religieux dont il avait prétendu sortir par la loi de 1905. Peut-être était-il utile qu’il le fît[8], mais ce qui est curieux c’est qu’il continue à prétendre qu’il ne l’a pas fait, comme s’il s’était rendu coupable d’un forfait inavouable.

On aura d’ailleurs relevé la confusion effectuée par le Président — mais prudemment évitée par loi — qui assimile signes et tenues, confusion qui en dit long sur celle des esprits et qui indique que, pour beaucoup de nos contemporains, tout ce qui est religieux est en soi un problème. De fait c’est la manifestation même du religieux qui est en jeu dans la loi, d’où tout le débat autour de l’adverbe caractérisant les signes et tenues que peuvent porter les élèves, ainsi que le débat à propos du champ d’application de la loi : les rédacteurs de celle-ci se sont finalement et prudemment arrêtés à « ostensiblement »[9] et aux « écoles, collèges et lycées publics », alors qu’il avait été sérieusement envisagé d’interdire tout signe « visible »[10] et ceci dans tous les établissements[11] publics ou privés[12], de l’enseignement primaire à l’enseignement supérieur[13]. Cette impression selon laquelle c’est la manifestation même du religieux qui est en cause est renforcée par le fait que l’article 28 de la loi de 1905, avait déjà interdit la présence d’un « signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public » : la joyeuse confusion effectuée entre cette loi de 1905 et celle de 2004, aboutit à réveiller les ardeurs de militants laïcs prompts à sabrer les sapins de Noël trônant à l’entrée des établissements publics ou les Saint-Nicolas en chocolat ou pain d’épices traditionnellement distribués aux enfants des écoles de Lorraine. Le législateur, qui pensait éteindre l’incendie religieux, n’a donc fait que baisser le seuil de tolérance laïc et quand il n’y aura plus que des signes discrets, cette discrétion même deviendra bientôt insupportable aux thuriféraires du laïcisme.

Et pourtant, le législateur ne cesse de protester, depuis la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789[14] jusqu’à la loi de 2004, de son absence d’intentions malignes envers la religion, estimant qu’il faut juste « établir un équilibre entre les deux principes constitutionnels de laïcité et de liberté de conscience » (Rapport Clément, introduction). Pour cela, dit-il « il n’est [pas] question de remettre en cause ni d’affaiblir [la liberté de conscience] », et il suffit de « réaffirmer une laïcité tolérante » qui ne devienne pas « une religion ni un objectif en soi », et ceci tout en faisant preuve d’ « ouverture » (ibid.). Le rapporteur du Sénat ne dit pas autre chose[15]. Mais cette tolérance et cette ouverture sont de circonstance car ce qui inquiète le législateur c’est l’attitude de la Cour européenne des Droits de l’homme et de la Cour constitutionnelle française, citées plusieurs fois dans le rapport parlementaire[16] : on sait en effet que la loi française de 2004 n’a pas surpris que les pays musulmans, loin de là. Fort heureusement, lesdites Cours ne se prononcent pas sur la base des rapports parlementaires mais sur celle des lois, car, quelques lignes avant son hymne à la tolérance et à l’ouverture, le rapporteur estime qu’il y a une « exigence juridique d’un fondement légal à la restriction d’une liberté fondamentale » — en l’occurrence, de conscience —… qui « résulte (…) de la sauvegarde des libertés fondamentales » (ibid.) ! On sait combien de crimes d’état ont été commis au nom de ce sophisme qui traverse l’ensemble du rapport parlementaire[17]. Toujours est-il que c’est pour illustrer sa volonté de respecter les personnes que le législateur a prévu de faire précéder la « procédure disciplinaire » d’un « dialogue avec l’élève » (Loi de 2004, art. 1). Si la même philosophie qui anime le rapport parlementaire préside à ce dialogue il y a tout lieu de craindre qu’il soit celui de sourds.

 

1.2 : Protéger la jeunesse ?

Comme le législateur reconnaît qu’il va à l’encontre de l’exercice d’un droit fondamental qu’il a lui-même édicté, et qu’il ne cesse de réaffirmer[18], il lui faut se justifier et, pour cela, il invoque la nécessaire protection des individus : c’est ainsi que le rapporteur de la loi de 2004 pour l’Assemblée estime que le port du voile à l’école « témoigne d’un recul de la condition de la femme dans certains quartiers » et est le résultat de « pressions très fortes » (Rapport Clément, I, B, 1). Son collègue du Sénat lui fait écho en s’inquiétant des dégradations de « la situation des femmes dans certains quartiers » (Rapport Valade, I, C, 2) « des rapports entre les garçons et les filles »[19] (Rapport Valade, II, B, 2), et de la « de la condition des jeunes filles dans les cités » (Rapport Valade, III, A, 2). En parlant des « femmes » et des « quartiers », le législateur montre clairement que l’intention fondamentale de la loi dépasse de très loin son seul champ d’application et que son but est moins de protéger l’école que la société dans son ensemble, objectif honorable au demeurant.

En fait, à bien y regarder, les arguments avancés par le législateur sont une nouvelle fois de circonstance, et le rapporteur de la loi ne peut masquer que le problème posé par le voile n’est que le sommet d’un iceberg qui est constitué d’une multitude d’incivilités, et de citer les : « violences scolaires, refus de certains enseignements, propos antisémites ou sexistes, refus du dialogue de la part des élèves qui porte le voile ou précarité des compromis souvent remis en cause » (ibid.). Qui a étudié ces questions sait ce qu’il y a derrière cet inventaire discret de faits qui ne le sont pas : dans un rapport sur la sécurité que j’ai rédigé en juin 2001 pour un député européen, M. Jean-Marc Vareau, j’avais noté que l’éducation nationale admettait 220 000 incidents par trimestre dans les établissements scolaires [20], dont environ 6000 graves[21], et que cette violence était de plus en plus débridée puisque ont été relevés des cas de : torture[22], agression à l’arme blanche[23], meurtre[24], règlement de comptes meurtriers[25], travail sous la contrainte[26], incendie volontaire[27], bizutage brutal[28], menace avec arme[29], et on a même vu le cas d’élèves qui ont poignardé un professeur choisi au hasard, pour se faire renvoyer de leur établissement[30]. Je ne parle même pas des innombrables cas d’agressions, si l’on peut dire classiques, d’élèves ou de professeurs. La situation n’a malheureusement que très peu évolué, quand elle n’a pas empiré.

En clair, confronté à un naufrage sans précédent du système éducatif dans toutes ses composantes[31], l’état se sert du premier foulard venu pour masquer les causes profondes du malaise qu’il prétend ainsi régler. C’est entendu : la cause de tous les problèmes de l’école serait la religion. Il suffirait donc d’empêcher son expression pour que le calme revienne dans les établissements scolaires. Pourtant on ne voit pas comment une loi sur les signes et les tenues religieux va régler le type de problèmes rencontrés dans le cadre scolaire et dont le législateur donne la liste, comme par exemple « la contestation du contenu de certains enseignements » (Rapport Valade, II, B, 2), d’autant que la loi a volontairement exclu de son champ d’application les Universités parce qu’elles accueillent « le plus souvent des étudiants majeurs, par conséquent libres de leurs choix, et que l’instruction qui y est dispensée n’a pas un caractère obligatoire » (Rapport Valade, IV, B, 2) : comme l’obligation scolaire n’excède pas seize ans en France et que nombre d’élèves de première et de terminale sont désormais majeurs on peut se demander quel argument on leur opposera s’ils refusent de se plier à la loi de 2004, sans parler des élèves des classes préparatoires !

 

1.3 : Assurer la cohésion ?

Le dernier des arguments majeurs développés par le rapporteur pour justifier la loi de 2004, c’est que la laïcité est un « un outil exceptionnel en faveur de l’intégration et de l’émancipation » (Rapport Valade, III, A, 2), un « instrument de cohésion sociale et d’intégration » (Rapport Clément, introduction). Or, l’école étant la garante de la « transmission des valeurs républicaines » (ibid.), elle joue un rôle majeur dans la construction de cette laïcité, et, pour cela, la Constitution du 4 Octobre 1958 proclame que « l’organisation de l’enseignement laïque et gratuit est un devoir d’état » (Préambule). Or l’école laïque échoue à garantir la cohésion et n’assure plus l’intégration. l’indivisibilité de la République (art. 1 de la Constitution) étant alors menacée, le pouvoir a justifié sa loi de 2004 par la nécessité de ne pas « laisser ouverte la voie dangereuse du communautarisme » (Rapport Valade, II, B, 2).

Or, il n’est pas inintéressant de relever que le législateur assimile de fait le communautarisme à la seule appartenance religieuse : en effet, la Mission d’information parlementaire sur la question du port des signes religieux à l’école avait recommandé d’interdire « le port visible de tout signe religieux et politique dans l’enceinte des établissements scolaires publics » (Rapport Clément, I, B, 1-2), demande réitérée par MM. Claude Goasguen[32] et Hervé Mariton[33] lors de l’examen des articles (amendements 2 et 3 rectifié), et à laquelle se sont ajoutées celles de MM. Daniel Garrigue[34] et Marc Le Fur[35] proposant d’étendre la loi aux « signes manifestant une appartenance maçonnique » (Rapport Clément, amendement 4), et celle du groupe socialiste du Sénat demandant de viser « les signes visibles, non seulement religieux, mais aussi politiques et philosophiques » (Rapport Valade, intervention de M. Serge Lagauche[36] lors de l’audition de M. Patrick Gonthier). Malgré cela, la Commission a déployé des trésors de rhétorique pour empêcher l’élargissement de la loi frappant les signes religieux aux autres signes d’appartenance, la question des signes politiques ayant été jadis réglée par une simple circulaire[37], et celle des signes maçonniques étant carrément évacuée ! Seuls les signes religieux seraient donc dangereux au point de nécessiter une loi.

On comprend mieux cette curieuse position quand on voit le peu d’estime que le rapporteur du Sénat montre pour les croyances religieuses : il les qualifie de « particulières » estimant au contraire que les valeurs républicaines seraient « universelles » (Rapport Valade, I, B) ; il oppose les « croyances qui sont personnelles » aux « connaissances qui sont communes et indispensables » (ibid.) ; il estime que « réserver une place à l’expression des convictions spirituelles et religieuses ne va (…) pas de soi » quand il s’agit d’ « assurer à terme leur [des élèves] indépendance critique » (Rapport Valade, III, B, 2), et il achève en fanfare en qualifiant de « préjugés et déterminismes » les positions religieuses (ibid.). Si on en avait douté, le législateur précise que son inspiration est celle de « l’Esprit des Lumières » dont, dit-il, la laïcité est « indissociable » (ibid.) : souhaitons qu’il ignore jusqu’à quel degré de mépris lesdites Lumières se sont haussées quand elles parlèrent des religions. Dans le cas contraire, on serait en droit de s’interroger sur la conception que le législateur se fait du respect d’autrui, et, par là, sur son aptitude à réparer la cohésion sociale qu’il estime être détruite par l’expression des appartenances religieuses dans les enceintes scolaires.

Ajoutons à tout cela, que la loi de 2004 risque d’institutionnaliser une forme laïque de chasse aux sorcières, a fortiori depuis que M. Luc Ferry, alors Ministre de l’éducation nationale, a publiquement affirmé que le port de la barbe ou du bandana pouvait être considéré comme un signe religieux ostensible, questions d’ailleurs abordée par la Mission parlementaire (Rapport Clément, examen des articles, article 1er). On voit mal comment une telle suspicion peut contribuer à la cohésion nationale, ce qu’a souligné avec beaucoup d’à propos la délégation du Conseil français du culte musulman (CFCM) lors de son audition par la Commission sénatoriale en se demandant comment on statuerait sur la nature du port d’une coiffure courante autrement que sur la base du faciès ou de la consonance du nom de l’intéressé, ce qui constituerait alors une « discrimination à caractère raciste et xénophobe » (Rapport Valade).

 


 

2 : L’application des lois

 

 

2.1 : L’enseignement du fait religieux

S’il est de moins en moins question de laisser les religions s’exprimer dans le cadre scolaire, il n’est nullement dans l’intention de l’état de laisser libre le champ ainsi vidé. Ainsi, le Rapport Stasi met en garde contre le fait que l’école se limite « à une conception étroite de la neutralité par rapport à la culture religieuse ou spirituelle [car elle contribuerait] à la méconnaissance des élèves en ce domaine et les [laisserait] désarmés (…) face aux pressions et aux instrumentalisations des activistes politico-religieux ». En d’autres termes, la religion est une affaire trop sérieuse pour la confier à des religieux, et l’état estime qu’il est le mieux à même de remplir la mission dont ces religieux étaient jusqu’alors chargés : l’argument de la neutralité est ainsi retourné deux fois contre la religion, la première fois pour lui interdire les portes de l’école, et la seconde pour lui ôter son magistère.

Il serait trop fastidieux de passer ici en revue l’ensemble des programmes d’histoire des collèges et lycées, sans compter qu’il faudrait y ajouter une étude pour les enseignements primaire et supérieur qui n’a pas encore été faite. Deux exemples, l’un pour la classe de seconde, l’autre pour celle de terminale, permettront de mieux comprendre comment le problème se pose[38].

Le programme de seconde indique que le but général de l’enseignement de l’histoire est de permettre « la compréhension du monde contemporain, par l'étude de moments historiques qui ont participé à sa construction et par celle de l'action actuelle des sociétés sur leurs territoires ». C’est à cette fin qu’est proposée « une approche de la religion chrétienne, composante majeure de la civilisation occidentale »… proposé seulement, car le même programme précise que « afin de mener à son terme l'étude du programme, les enseignants traitent trois des quatre premiers thèmes » : or, l’expérience a montré que c’est presque systématiquement l’étude du deuxième thème (le christianisme) qui saute, nombre d’enseignants manquant de formation sur cette question, n’ayant que peu d’intérêt pour elle ou ne voulant pas affronter les remarques souvent agressives de leur auditoire.

Après la disparition de fait à laquelle aboutit la mise en œuvre du programme de seconde, vient la disparition de principe qui caractérise le programme de terminale, lequel n’étudie plus la question religieuse que par incidence et jamais pour elle-même : cette question est d’ailleurs absente des intitulés des programmes officiels ainsi que de leurs commentaires si on excepte un curieux inventaire à la Prévert à propos de la France après 1945, qui recommande d’analyser « l’évolution de la population, des modes de vie, des pratiques culturelles et des croyances ». Le second concile du Vatican, le rôle majeur du Saint-Siège dans les relations internationales, l’ampleur du phénomène des martyrs de la foi au XXe siècle… tout cela est superbement ignoré. Le législateur aura beau jeu de dire qu’il a récemment donné une place à la religion en réintégrant l’étude de l’islamisme contemporain (B. O. du 3 octobre 2002). De toute façon, l’islamisme n’est pas l’Islam, l’Islam n’est pas la religion, et la religion ne se réduit pas aux dérives de ceux qui prétendent agir en son nom.

Ainsi, un élève de lycée actuel pourra très bien se montrer absolument incapable de balbutier trois mots sur l’histoire des religions des origines à nos jours, sinon pour affirmer que ces religions aboutissent à envoyer des avions pilotés par des fous dans des tours peuplées de victimes innocentes. Que nombre de ces victimes aient elles-mêmes été croyantes, dont certaines musulmanes, est un aspect de la chose qui lui aura certainement échappé : les programmes officiels n’ont pas prévu d’aborder cette question.

 

 

2.2 : Place et visage de l’héritage religieux dans l’enseignement

Le rapporteur de la loi de 2004, reconnaît une légitimité « à la manifestation des croyances religieuses quand elle est discrète » (Rapport Clément : Introduction). Cette discrétion que le rapporteur du Sénat qualifie de « pudeur » (Rapport Valade, IV, A, 1) —comme si la religion pouvait être impudique —, est devenue un maître-mot, au point que la dimension religieuse est désormais presque totalement évacuée du champ scolaire comme si elle n’existait pas, ce qui aboutit à des situations ahurissantes dont on ne citera ici que quelques unes des plus éclairantes.

Ainsi, les manuels de littérature, qui se présentent souvent comme des anthologies, ne semblent pas s’être aperçus de l’existence d’une littérature religieuse française de qualité, réussissant même à oublier Bossuet, saint François de Sales, le cardinal de Bérulle… alors même qu’ils prétendent parler des productions majeures du XVIIe siècle. Les auteurs religieux des siècles précédents sont évacués au titre qu’ils n’écrivent pas en français : on se dit alors qu’on les trouvera dans les manuels de littérature latine ou étrangère, mais cette fois on les trouve trop gauches (le fameux « latin de cuisine » qui sert à exclure même saint Augustin) ou au contraire trop compliqués (sainte Thérèse d’Avila, saint Jean de la Croix…). Des auteurs plus récents ne surnagent au mieux que Bernanos et Claudel, parfois Mauriac : on aurait pu se trouver en plus mauvaise compagnie, mais faut-il croire que les auteurs catholiques contemporains n’ont composé que de la littérature profane ?

Autre exemple révélateur de l’aveuglement auquel l’évacuation du religieux peut mener, lorsqu’une œuvre religieuse est mise au programme de l’option arts plastiques du baccalauréat, il est systématiquement rappelé que le sens de l’œuvre n’est pas l’objet de l’étude, seule la forme devant retenir l’attention du candidat. Ainsi, quand le retable d’Issenheim — dont on sait qu’il représente une saisissante Crucifixion — a été mis au programme (2003-2004), il n’était question que d’étudier la notion de polyptique. Parmi une prose abondante sur la question, on peut citer cette présentation d’un professeur d’art plastique d’un lycée de Guyane française, qui se passe de commentaire : « Concernant l’approche du retable d’Issenheim, j’ai proposé aux élèves de fabriquer une œuvre en plusieurs panneaux ; après deux séances, j’ai fait un cours sur la Renaissance et les polyptyques, enfin, au troisième cours nous avons étudié le retable de Grünewald. Plus tard, je leur ai montré un diaporama de polyptyques (…). Dans le cadre de sa recherche personnelle (…), l’élève était amené à construire une œuvre en plusieurs panneaux sans être influencé par l’œuvre référence (le retable). La confrontation avec les problèmes de l’articulation des supports devait lui permettre de mieux appréhender les implications d’un polyptyque »[39].

On pourrait d’ailleurs presque souhaiter que le fait religieux ne soit pas abordé, car le catholicisme, entre autres, est la cible toute désignée d’un catéchisme laïque bien connu qui va du doute jeté sur l’historicité du Christ, en passant par les croisades, l’inquisition, l’affaire Galilée, le Syllabus, les accords du Latran et autres horreurs d’une religion qui ne semble avoir été inventée par l’esprit humain que pour justifier l’injustifiable. Que ces questions aient été totalement réévaluées, qu’elles ne soient par ailleurs que fort peu représentatives de l’action de l’église au sein de l’humanité, ne semble pas trop émouvoir les rédacteurs de manuels scolaires, dont il serait trop facile et trop fastidieux à la fois, de relever les dérapages. Ceux-ci sont malheureusement facilités par l’approche réductrice des instructions officielles : ainsi, dans les programmes de seconde, en centrant l’étude des temps médiévaux sur le seul XIIe siècle, les croisades apparaissent-elles comme une agression gratuite de la chrétienté contre un Islam qui, lui, serait le foyer de toute civilisation. La question de savoir comment l’Islam s’est retrouvé en Occident est non pas occultée, mais tout simplement pas mise au programme.

 

 

2.3 : Le respect des obligations religieuses : l’exemple des aumôneries

Lors de son audition devant la Commission du Sénat, M. Georges Dupon-Lahitte, Président de la Fédération des parents d’élèves des écoles publiques a estimé que « le dépôt du projet de loi était déjà un prétexte invoqué par certains chefs d’établissement pour interdire abusivement, aux mères voilées, l’entrée des établissements scolaires » (Rapport Valade). Il ne pouvait pas se douter à quel point son propos serait vérifié, même si ce sont bien plus que les mères voilées qui sont visées, comme le révèle l’étude de la question brûlante posée par les aumôneries, en particulier catholiques. Beaucoup souhaitent en effet leur disparition des établissements scolaires publics, à l’instar de Mme la sénatrice Annie David[40] (Rapport Valade, audition de M. Bernard Kuntz), qui exprime une opinion fort répandue dans les associations laïques et nombre de syndicats d’enseignants.

Pourtant, leur existence dans les « lycées, collèges, écoles » est reconnue par l’article 2 de la loi de 1905, et par une circulaire du 22 avril 1988 (annexe 4), laquelle rappelle que « l’institution du service d’aumônerie est de droit dès qu’elle a été demandée » (article 4 I, A). Dans les autres cas, elle est laissée à la discrétion du recteur (article 4, I, B et I, C), qui statue sur la base d’un rapport complexe qui lui est rendu par le proviseur de l’établissement concerné (article 4, I, B). Le texte conclue d’ailleurs en précisant que « la règle générale doit être d’accorder satisfaction aux demandeurs, même si ceux-ci ne représentent qu’un très faible pourcentage de l’effectif total de l’établissement » (ibid.). L’argument invoqué est fort intéressant : « un refus, en effet, leur [aux demandeurs] porte préjudice alors que la création du service de l’aumônerie ne nuit en rien aux convictions ni à la liberté de conscience des autres membres de la communauté scolaire » (ibid.). Cet argument de bon sens prouve qu’une laïcité bien comprise est parfaitement possible à mettre en œuvre dans les établissements scolaires publics, comme dans la société civile.

Toutefois, la bonne foi n’étant pas toujours de mise, un proviseur mal intentionné peut retarder l’ouverture d’une aumônerie en jouant sur les délais, ou gêner son fonctionnement en s’appuyant sur le passage de la circulaire du 22 avril 1988 qui lui donne le droit d’examiner « avec lui [le responsable] les conditions de fonctionnement de l’aumônerie » (article 4, II). Mais il y a plus, car on va maintenant jusqu’à invoquer la loi de 2004 pour les adultes, alors qu’elle ne concerne que les élèves : c’est ainsi que l’abbé Galland de la Communauté Saint-Martin, s’est vu interdire l’entrée de l’aumônerie du lycée Dumont d’Urville de Toulon, le 5 octobre 2004, au titre qu’il portait une soutane, laquelle était un « signe religieux ostensible » ! L’évêque de Toulon, qui a protesté contre cette mesure, a par ailleurs révélé que depuis la publication de la loi, c’était le cinquième cas d’empêchement au libre fonctionnement des aumôneries dans l’enseignement public dont il était saisi dans son diocèse : toujours est-il que l’abbé Galland a dû troquer sa soutane contre un clergyman, tenue qui ne prémunie pas ses collègues contre les vexations de tout genre.


 

3 : Questions en suspens

 

 

3.1 : Peut-on dire n’importe quoi à l’école ?

Jules Ferry, dans une Circulaire du 27 novembre 1883 aux instituteurs qui est restée célèbre, recommandait : « avant de proposer à vos élèves un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous s’il se trouve, à votre connaissance, un seul honnête homme qui puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant, pourrait de bonne foi refuser son assentiment à ce qu’il vous entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire ». Cette remarquable déclaration d’intention est régulièrement remise en cause au nom d’une autre liberté que l’on oppose à celle de conscience, celle d’expression. C’est ainsi que lors de la réunion du 2 février 2003 du Comité national de l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (A.P.H.G.), M. Michel Barbe, vice-président de la régionale d’Aix-Marseille, a revendiqué le « droit au blasphème » en précisant qu’il était garanti par la « démocratie » (Historiens & Géographes, 383, juillet-août 2003, p. 12). Ces propos n’avaient pas été prononcés au hasard, le Comité étant saisi de la question du respect de la laïcité à l’école, mais ils n’ont curieusement appelé aucune remarque de la part du président de séance ou d’un autre membre du Comité, alors même que celui-ci adoptait peu de temps après une motion « laïcité à l’école », plutôt bien sentie et qui rappelait en le soulignant que « la laïcité à l’école [suppose] le respect des consciences des élèves » (ibid., p. 17).

Étant régulièrement chargé de travaux par l’A.P.H.G., j’étais intervenu sous la forme d’une lettre ouverte (Historiens & Géographes, 384, septembre-décembre 2003, p. 576-577) pour examiner si on pouvait dire n’importe quoi à l’école et rappeler que le sens courant de blasphème est « paroles qui outragent la divinité ou la religion », ses synonymes étant « imprécation, injure, insulte ». L’affaire avait eu une certaine résonance, M. Michel Barbe me reprochant de jeter « de l’huile sur le feu dans un contexte d’intense débat sur le respect de la laïcité à l’école » avant de présenter implicitement ses excuses pour ses propos, estimant toutefois que blasphème ne voulait dire que « parole de mauvais augure » et que « le rappel de ce “droit” [au blasphème] ne constitue en rien un appel à l’exercer en classe » (ibid., p. 578). Dans le numéro suivant de la même revue, un certain Damien Rondeau, avait trouvé un moyen ultime de clore le débat : ayant relevé que je réagissais en tant que « catholique et fier de l’être » — ce qui l’amenait à regretter symétriquement les propos de Michel Barbe et mon positionnement qu’il disait toutefois comprendre —, il estimait que les « intimes convictions religieuses ou antireligieuses [pouvaient] cependant être dévoilé[es] dans la notice nécrologique » de l’intéressé (p. 576) ! Ainsi, comme Custer pensait qu’un bon indien est un indien mort, on en est venu à penser qu’un bon catholique est un catholique mort ! Pour qui s’informe un peu, ce genre de dérapage n’est plus rare et prouve que si l’on n’a pas le droit de dire n’importe quoi à l’école, on le fait très souvent : relevons d’ailleurs que M. Damien Rondeau avait aussi trouvé une parade en la matière, estimant que « le droit au blasphème (…) est autorisé, car non directement puni, dans notre démocratie » (ibid., p. 576). L’inconséquence d’un tel argumentaire laisse rêveur, mais il est un fait que le débat est désormais rendu à ce degré zéro de la pensée.

Pourtant, on sait combien l’opinion — et au premier rang les médias — est réactive aux propos blessants quand ils touchent certaines catégories de la population stigmatisées pour ce qu’elles sont, ce qu’elles disent ou ce qu’elles croient : on ne peut que s’en réjouir, en particulier en tant que chrétien, car l’offense a autrui ne peut être érigée en forme de dialogue. Mais alors, comment peut-on expliquer que la religion, en particulier catholique, puisse être l’objet d’attaques insidieuses ou directes quasi permanentes sans qu’aucune autorité de l’état ne réagisse ? La seule explication est l’endormissement des consciences, et comme l’école laïque se refuse à informer ces consciences pour tout ce qui concerne la religion, on ne peut que s’inquiéter du manquement grave dont elle se rend coupable et dont il faut souhaiter que l’histoire n’ait pas un jour à lui demander compte si jamais les attaques contre l’église devaient dépasser le simple stade des propos infamants, hypothèse qui n’est malheureusement plus improbable.

 

 

3.2 : L’école doit-elle nécessairement être laïque ?

Comme il est un fait que nombre de professeurs s’arrogent le droit de dire n’importe quoi sur la religion, il est un fait que l’école est avant tout considérée comme laïque, certains Ministres de l’éducation nationale n’ayant pas hésité à déclarer à l’Assemblée nationale qu’ils n’étaient que les ministres de cette école[41]. Laïque, l’école publique l’est, dans toutes ses composantes, la loi du 28 mars 1882 ayant substitué « l’instruction morale et civique » à la « morale religieuse », l’article L.141-4 du Code de l’éducation nationale ajoutant que « l’enseignement religieux ne peut être donné aux enfants inscrits dans les écoles publiques qu’en dehors des heures de classe », et l’article L.141-5 du même Code précisant que « dans les établissements du premier degré publics, l’enseignement est exclusivement confié à un personnel laïque ». Le Conseil d’état a d’ailleurs rappelé dans un avis du 3 mai 2000 (Demoiselle Marteaux[42]) qu’il n’était pas permis « à un agent du service de l’enseignement de manifester dans l’exercice de ses fonctions ses croyances religieuses ».

Pour autant, il ne va pas de soi qu’une telle école impose l’évacuation du religieux, ce que le Premier ministre actuel, M. Jean-Pierre Raffarin, reconnaît explicitement en déclarant que la laïcité est « une forme de grammaire entre tous les Français pour que toutes les religions puissent vivrent ensemble » (Rapport Valade, adresse). Le Conseil d’état avait d’ailleurs statué que « l’enseignement est laïque, non parce qu’il interdit l’expression des différentes fois, mais au contraire parce qu’il les tolère toutes » (arrêt Kherouaa). Mais cette « grammaire » à laquelle se réfère le Premier Ministre, n’est guère en meilleur état que celle qui régit notre langue : on a vu plus haut que lorsque l’expression religieuse n’est pas bridée, elle est tout simplement ignorée ou, pire, défigurée, l’idéal de neutralité auquel la Commission sénatoriale se réfère étant bien loin d’être atteint, pour peu qu’une réelle volonté de l’atteindre existe actuellement.

Alors, le devoir d’offrir d’autres types d’écoles est désormais impérieux, l’école laïque ne jouant plus le rôle qu’on attend d’elle et dont il n’est pas absolument sûr qu’elle l’ait jamais joué. Ce devoir est d’ailleurs impérieux pour les raisons mêmes que le législateur invoque pour justifier son intervention dans le champ religieux, ce que lui rappelle Mgr Olivier de Berranger, évêque de Saint-Denis, qui pose la question de savoir comment en masquant les différences, l’école laïque pourra éduquer au respect de ces différences, et quelle part elle laissera à la formation à l’esprit critique (Rapport Valade, audition de Mgr Olivier de Berranger et de Mgr Stanislas Lalanne) ?

 

 

3.3 : Une école laïque peut-elle faire l’économie de la dimension spirituelle ?

On sait que Jules Ferry, dans un souci d’apaisement, avait admis la présence de crucifix dans les salles de classe, ainsi qu’une allusion aux « devoirs envers Dieu ». L’église catholique qui reconnaît un droit universel à l’éducation, rappelle d’ailleurs que ce droit ne se justifie qu’en tant que l’éducation se fixe comme but « de former la personne humaine dans la perspective de sa fin la plus haute et du bien des groupes dont l’homme est membre » (Actes du second concile du Vatican, Déclaration sur l’éducation chrétienne Gravissimum educationis momentum[43], 1). L’évacuation de Dieu du champ de l’école n’est donc pas une option comme une autre, c’est non seulement une faute, mais aussi une tromperie.

C’est une faute car si on reconnaît une dimension spirituelle à l’enfant, comme il a une dimension intellectuelle et corporelle, que peut bien vouloir dire une formation qui ne développerait que deux des trois dimensions fondamentales humaines ? Ne parlerait-on pas d’handicap si on négligeait le corps, et d’imbécillité si on négligeait l’intelligence ? L’effet est évidemment le même sur la conscience dont aucun texte n’a jamais nié l’existence et à laquelle le législateur a même toujours reconnu une existence propre en faisant de son respect un droit fondamental[44]. Les Pères conciliaires parlent d’ailleurs de « droit sacré » à propos de la formation morale et religieuse des enfants (GEM, 1), et appellent de leurs vœux que les pouvoirs publics « aident les familles à assurer à leurs enfants dans toutes les écoles, une éducation conforme à leurs propres principes moraux et religieux » (ibid., 8).

Mais évacuer la question de Dieu du champ scolaire est aussi une tromperie : elle consiste à faire croire que cette question est d’importance secondaire, voire qu’elle a été résolue négativement. Or personne ne pouvant prouver l’inexistence de Dieu, alors qu’au contraire l’esprit humain est capable de saisir la question de son existence, et que l’histoire de l’humanité est emplie de son nom qui continue de résonner dans des milliards de consciences contemporaines, quelques soient les conditions économiques, sociales, culturelles ou politiques où elles s’expriment, il est aberrant de prétendre évacuer la question de Dieu du champ de l’éducation, cette question étant évidemment déterminante. On parlerait donc de tout à l’école laïque, sauf de la mère de toutes les questions ? S.S. le Pape Jean-Paul II commençait en effet son encyclique Fides et ratio en rappelant que « la foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité » : faut-il croire que la question de la vérité ne peut pas concerner l’école laïque ? Cinq ans après, en 1993, le même Pape dans l’encyclique Splendor veritatis, proclamait que « Dieu seul peut répondre à la question sur le bien, parce qu’il est le Bien » (I, 9), montrant que la demande du jeune homme riche au Christ (« Maître que dois-je faire de bon », Mt, 19, 16) était « en réalité une demande religieuse » (ibid.) : faut-il croire que la question du bien et du mal ne peut pas non plus concerner l’école laïque ?

Poser ces questions c’est y répondre.


 

Conclusion

 

Mal affirmée dans son expression, et plus encore dans sa construction intellectuelle, la réflexion qui a abouti à la loi de 2004 montre que le contentieux que la loi de 1905 prétendait fermer n’est pas éteint. Cela explique certainement que, loin de s’en tenir aux termes de la loi, les défenseurs d’une vision étriquée et partisane de la laïcité, ne reculent plus devant les amalgames les plus éhontés pour faire avancer leur cause, bénéficiant d’un endormissement général des consciences qu’ils ont eux-mêmes contribué à créer. Dans ces conditions, les droits d’une conscience dont chacun s’accorde à reconnaître qu’elle caractérise l’homme, sont bafoués et les questions les plus graves qui habitent le cœur de l’homme n’obtiennent pas de réponse : qui suis-je ? D’où est-ce que je viens et où vais-je ? Pourquoi la présence du mal ? Qu’y aura-t-il après cette vie ? Ces interrogations sont présentes dans les écrits sacrés d’Israël, mais elles apparaissent également dans les Védas ainsi que dans l’Avesta ; nous les trouvons dans les écrits de Confucius et de Lao Tseu, comme aussi dans la prédication des Tirthankaras et de Bouddha ; ce sont encore elles que l’on peut reconnaître dans les poèmes d’Homère et dans les tragédies d’Euripide et de Sophocle, de même que dans les traités philosophiques de Platon et d’Aristote. Ces questions ont une source commune : la quête de sens qui depuis toujours est pressante dans le cœur de l’homme, car de la réponse à ces questions dépend l’orientation à donner à toute l’existence » (Jean-Paul II, Fides et Ratio, 1).

Faudra-t-il interdire dans les écoles laïques, en plus des écrits religieux, Homère, Euripide, Sophocle, Platon et Aristote ? Une fois encore, poser la question c’est y répondre, et le meilleur service que l’on puisse rendre à l’école publique, c’est de lui montrer la richesse que devrait être la laïcité dont elle se réclame et dont elle ne semble vouloir faire qu’un bouclier qui la prémunirait contre les questions fondamentales.

 

 

M. Michel FAUQUIER
si vous utilisez ce texte, merci d'en mentionner l'auteur, conformément à la loi


 

Annexe 1 : Extraits de la loi française

 

 

 

Constitution de 1958

 

Article 1 :

La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.

 

 

 

Loi de 1905

 

Articles toujours en vigueur

 

Article 1

La république assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.

 

Les articles 2 à 24 (soit la moitié des articles), règlent les problèmes matériels — pour l’essentiel financiers, mobiliers et immobiliers —, occasionnés par la loi.

 

Les articles 25 et 27 portent sur les réunions cultuelles, les cérémonies et le sonneries.

 

Article 28

Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées et expositions.

 

Les articles 29 à 36 portent sur les sanctions frappant les contrevenants à la loi.

 

Les articles 37 à 43 portent sur des dispositions générales dont un curieux article 40 qui rend inéligible les ecclésiastiques au conseil municipal de leur commune, pendant les huit années suivant la promulgation de la loi.

 

Articles abrogés

 

Article 30 (abrogé par ordonnance du 22 juin 2000)

L’enseignement religieux ne peut-être donné aux enfants âgés de six à treize ans, inscrits dans les écoles publiques, qu’en dehors des heures de classe. Il sera fait application aux ministres des cultes qui enfreindront ces prescriptions, des dispositions de l’article 14 de la loi précitée.

 

L’article 41 (abrogé par un décret-loi du 1er janvier 1935) qui porte sur la répartition des sommes rendues disponibles par la suppression du budget des cultes.

 

L’article 42 (abrogé par une loi du 3 janvier 1973)

Les dispositions légales relatives aux jours actuellement fériés seront maintenues.


 

Annexe 2 : Discours prononcé par Monsieur Jacques Chirac, Président de la République, relatif au respect du principe de laïcité dans la République

 

Prononcé au Palais de l’élysée, le mercredi 17 décembre 2003

 

Monsieur le Premier ministre,

Messieurs les Présidents des Assemblées,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Mesdames, Messieurs,

 

Le débat sur le principe de laïcité résonne au plus profond de nos consciences. Il renvoie à notre cohésion nationale, à notre aptitude à vivre ensemble, à notre capacité à nous réunir sur l'essentiel.

La laïcité est inscrite dans nos traditions. Elle est au cœur de notre identité républicaine. Il ne s'agit aujourd'hui ni de la refonder, ni d'en modifier les frontières. Il s'agit de la faire vivre en restant fidèle aux équilibres que nous avons su inventer et aux valeurs de la République.

Voilà plus de deux cents ans que la République se construit et se renouvelle en se fondant sur la liberté, garantie par la primauté de la loi sur les intérêts particuliers, sur l'égalité des femmes et des hommes, sur l'égalité des chances, des droits, des devoirs, sur la fraternité entre tous les Français, quelle que soit leur condition ou leur origine.

Dans notre République, chacun est respecté dans ses différences parce que chacun respecte la loi commune. Partout dans le monde, la France est ainsi reconnue comme la patrie des droits de l'homme.

Mais le monde change, les frontières s'abaissent, les échanges se multiplient. Dans le même temps, les revendications identitaires ou communautaires s'affirment ou s'exacerbent, au risque, souvent, du repli sur soi, de l'égoïsme, parfois même de l'intolérance.

Comment la société française saura-t-elle répondre à ces évolutions ?

Nous y parviendrons en faisant le choix de la sagesse et du rassemblement des Français de toutes origines et de toutes convictions. Nous y parviendrons, comme aux moments importants de notre histoire, en cherchant dans la fidélité à nos valeurs et à nos principes la force d'un nouveau sursaut.

Sursaut des consciences, pour redécouvrir avec fierté l'originalité et la grandeur de notre culture et de notre modèle français. Sursaut de l'action, pour inscrire au cœur de notre pacte républicain l'égalité des chances et des droits, l'intégration de tous dans le respect des différences. Sursaut collectif, pour qu'ensemble, forts de cette diversité qui fait notre richesse, nous portions notre volonté, notre engagement, notre désir de vivre ensemble vers un avenir de confiance, de justice et de progrès.

C'est dans la fidélité au principe de laïcité, pierre angulaire de la République, faisceau de nos valeurs communes de respect, de tolérance, de dialogue, que j'appelle toutes les Françaises et tous les Français à se rassembler.

 

Notre peuple, notre Nation, notre République sont unis par des valeurs communes. Ces valeurs ne se sont pas imposées aisément. Elles ont parfois divisé les Français avant de contribuer à les réunir. Souvent, elles se sont forgées dans l'épreuve douloureuse de ces luttes qui traversent notre histoire et qui marquent notre mémoire.

Depuis les origines de la monarchie jusqu'aux tragédies du siècle dernier, la longue marche vers l'unité a dessiné notre territoire et forgé notre état. De l'édit de Nantes aux lois de séparation des églises et de l'état, la liberté religieuse et la tolérance se sont frayé un chemin au travers des guerres de religion et des persécutions. Les droits de l'homme et ceux du citoyen ont été progressivement conquis, consolidés, approfondis, depuis la Déclaration de 1789 jusqu'au Préambule de 1946. Ils l'ont été par la consécration du suffrage universel et le droit de vote des femmes, la liberté de la presse, la liberté d'association et bien sûr le combat pour faire reconnaître l'innocence du capitaine Dreyfus.

De l'abolition des privilèges, la nuit du 4 août, à celle de l'esclavage le 27 avril 1848, la République a proclamé avec force sa foi dans l'égalité et elle a bataillé sans relâche pour la justice sociale, avec ces conquêtes historiques que sont l'éducation gratuite et obligatoire, le droit de grève, la liberté syndicale, la sécurité sociale. Elle a su tendre la main, faire vivre l'égalité des chances, reconnaître le mérite et permettre ainsi la promotion, jusqu'aux plus hautes fonctions, de femmes et d'hommes issus des milieux les plus modestes. Aujourd'hui, nous continuons d'avancer résolument pour consolider les droits des femmes.

Ces valeurs fondent la singularité de notre Nation. Ces valeurs portent notre voix haut et loin dans le monde. Ce sont ces valeurs qui font la France.

 

 

 

Terre d'idées et de principes, la France est une terre ouverte, accueillante et généreuse. Uni autour d'un héritage singulier qui fait sa force et sa fierté, le peuple français est riche de sa diversité. Une diversité assumée et qui est au cœur de notre identité.

Diversité des croyances, dans cette vieille terre de chrétienté où s'est aussi enracinée une tradition juive qui remonte à près de deux mille ans. Terre de catholicisme qui a su dépasser les déchirements des guerres de religion et reconnaître finalement toute leur place aux protestants à la veille de la Révolution. Terre d'ouverture enfin pour les Français de tradition musulmane qui sont partie intégrante de notre Nation.

Diversité des régions qui ont progressivement dessiné le visage de notre pays, de l'Île-de-France aux duchés de Bretagne, d'Aquitaine, de Bourgogne, de l'Alsace et de la Lorraine jusqu'au comté de Nice, à la Caraïbe, l'océan indien ou le Pacifique Sud.

Et bien sûr, diversité de ces femmes et de ces hommes qui, à chaque génération, sont venus rejoindre la communauté nationale et pour qui la France a d'abord été un idéal avant de devenir une patrie.

Immigrés italiens, arrivés massivement avec la première révolution industrielle pour apporter à notre pays leur talent et leur énergie. Espagnols, chassés par les terribles déchirements des années trente et venus trouver refuge en France. Portugais, arrivés dans les années soixante, pleins d'ardeur et de courage. Mais aussi Polonais, Arméniens, Asiatiques. Ressortissants du Maghreb et de l'Afrique Noire, qui ont si puissamment contribué à la croissance des " Trente Glorieuses " avant de faire souche sur notre sol. Tous ont contribué à forger notre pays, à le rendre plus fort et plus prospère, à accroître son rayonnement en Europe et dans le monde.

Notre drapeau, notre langue, notre histoire : tout nous parle de ces valeurs de tolérance et de respect de l'autre, de ces combats, de cette diversité qui font la grandeur de la France. Cette France, celle qui se bat pour la paix, pour la justice, pour les droits de l'homme, nous en sommes fiers. Nous devons la défendre. Plutôt que de la remettre en question, chacun doit prendre la mesure de ce qu'elle lui apporte et se demander ce qu'il peut faire pour elle.

C'est pour que la France reste elle-même que nous devons aujourd'hui répondre aux interrogations et désamorcer les tensions qui traversent notre société.

 

Ces facteurs de tensions, chacun les connaît.

Bien que porteuse de chances nouvelles, la mondialisation inquiète, déstabilise les individus, les pousse parfois au repli.

Au moment où s'affaissent les grandes idéologies, l'obscurantisme et le fanatisme gagnent du terrain dans le monde.

Entre la nation française et cette Europe des citoyens que nous souhaitons, chacun de nous doit redéfinir ses repères.

En même temps, la persistance voire l'aggravation des inégalités, ce fossé qui se creuse entre les quartiers difficiles et le reste du pays, font mentir le principe d'égalité des chances et menacent de déchirer notre pacte républicain.

Une chose est sûre : la réponse à ces interrogations n'est pas dans l'infiniment petit du repli sur soi ou du communautarisme. Elle est au contraire dans l'affirmation de notre désir de vivre ensemble, dans la consolidation de l'élan commun, dans la fidélité à notre histoire et à nos valeurs.

Face aux incertitudes du temps et du monde, face au sentiment d'impuissance, parfois à l'étreinte du désarroi, chacun recherche des références plus personnelles, plus immédiates : la famille, les solidarités de proximité, l'engagement associatif. Et cette aspiration est naturelle. Elle est même un atout. Elle témoigne de la capacité des Françaises et des Français à se mobiliser, à agir, à donner libre cours à leur énergie, à leurs initiatives.

Pour autant, ce mouvement doit trouver ses limites dans le respect des valeurs communes. Le danger, c'est la libération de forces centrifuges, l'exaltation des particularismes qui séparent. Le danger, c'est de vouloir faire primer les règles particulières sur la loi commune. Le danger, c'est la division, c'est la discrimination, c'est la confrontation.

Regardons ce qui se passe ailleurs. Les sociétés structurées autour de communautés sont bien souvent la proie d'inégalités inacceptables.

Le communautarisme ne saurait être le choix de la France. Il serait contraire à notre histoire, à nos traditions, à notre culture. Il serait contraire à nos principes humanistes, à notre foi dans la promotion sociale par la seule force du talent et du mérite, à notre attachement aux valeurs d'égalité et de fraternité entre tous les Français.

C'est pourquoi je refuse d'engager la France dans cette direction. Elle y sacrifierait son héritage. Elle y compromettrait son avenir. Elle y perdrait son âme.

C'est pourquoi aussi, nous avons l'ardente obligation d'agir. Ce n'est ni dans l'immobilisme, ni dans la nostalgie, que nous retrouverons une nouvelle communauté de destin. C'est dans la lucidité, dans l'imagination et dans la fidélité à ce que nous sommes.

 

La France a su cette année encore porter, dans tous les domaines de tensions et de crise, sa parole de paix et de tolérance pour inviter les peuples qui se déchirent au respect de l'autre.

A l'intérieur de nos frontières, au cœur de notre société, sachons vivre ensemble en portant la même exigence, la même ambition de respect et de justice !

L'égalité des chances a de tout temps été le combat de la République. La ligne de front de ce combat passe désormais dans les quartiers. Comment demander à leurs habitants de se reconnaître dans la Nation et dans ses valeurs quand ils vivent dans des ghettos à l'urbanisme inhumain, où le non-droit et la loi du plus fort prétendent s'imposer ?

Avec le renforcement de la sécurité, avec le programme de rénovation urbaine pour détruire les " barres ", avec les zones franches destinées à ramener l'emploi et l'activité dans les cités, nous enrayons la fatalité et nous retrouvons l'espoir. C'est, pour le Gouvernement et pour moi-même, un défi et une exigence majeurs.

Faire vivre l'égalité des chances, c'est aussi redonner toute sa force à notre tradition d'intégration en nous appuyant sur les réussites déjà acquises mais aussi en refusant l'inacceptable.

Beaucoup de jeunes issus de l'immigration, dont le français est la langue maternelle, et qui sont, la plupart du temps, de nationalité française, réussissent et se sentent à l'aise dans une société qui est la leur. Ils doivent être reconnus pour ce qu'ils sont, pour leur capacité, leur parcours, leur mérite. Ils veulent exprimer leurs succès, leur soif d'agir, leur insertion, leur pleine appartenance à la communauté nationale.

Ces réussites, il faut également les préparer avec les étrangers qui nous rejoignent légalement, en leur demandant d'adhérer à nos valeurs et à nos lois. C'est tout l'objet du contrat d'accueil et d'intégration mis en place par le Gouvernement, à ma demande, et qui leur est proposé individuellement. Il leur donne accès à des cours de français, à une formation à la citoyenneté française, à un suivi social, en contrepartie de l'engagement de respecter scrupuleusement les lois de la République.

Ces réussites, il faut aussi les rendre possibles en brisant le mur du silence et de l'indifférence qui entoure la réalité aujourd'hui des discriminations. Je sais le sentiment d'incompréhension, de désarroi, parfois même de révolte de ces jeunes Français issus de l'immigration dont les demandes d'emplois passent à la corbeille en raison de la consonance de leur nom et qui sont, trop souvent, confrontés aux discriminations pour l'accès au logement ou même simplement pour l'entrée dans un lieu de loisir.

Il faut une prise de conscience et une réaction énergique. Ce sera la mission de l'autorité indépendante chargée de lutter contre toutes les formes de discriminations qui sera installée dès le début de l'année prochaine.

Tous les enfants de France, quelle que soit leur histoire, quelle que soit leur origine, quelle que soit leur croyance, sont les filles et les fils de la République. Ils doivent être reconnus comme tels, dans le droit mais surtout dans les faits. C'est en veillant au respect de cette exigence, c'est par la refondation de notre politique d'intégration, c'est par notre capacité à faire vivre l'égalité des chances que nous redonnerons toute sa vitalité à notre cohésion nationale.

 

Nous le ferons aussi en faisant vivre le principe de laïcité qui est un pilier de notre Constitution. Il exprime notre volonté de vivre ensemble dans le respect, le dialogue et la tolérance.

La laïcité garantit la liberté de conscience. Elle protège la liberté de croire ou de ne pas croire. Elle assure à chacun la possibilité d'exprimer et de pratiquer sa foi, paisiblement, librement, sans la menace de se voir imposer d'autres convictions ou d'autres croyances. Elle permet à des femmes et à des hommes venus de tous les horizons, de toutes les cultures, d'être protégés dans leurs croyances par la République et ses institutions. Ouverte et généreuse, elle est le lieu privilégié de la rencontre et de l'échange où chacun se retrouve pour apporter le meilleur à la communauté nationale. C'est la neutralité de l'espace public qui permet la coexistence harmonieuse des différentes religions.

Comme toutes les libertés, la liberté d'expression des croyances ne peut trouver de limites que dans la liberté d'autrui et dans l'observation des règles de la vie en société. La liberté religieuse, que notre pays respecte et protège, ne saurait être détournée. Elle ne saurait remettre en cause la règle commune. Elle ne saurait porter atteinte à la liberté de conviction des autres. C'est cet équilibre subtil, précieux et fragile, construit patiemment depuis des décennies, qu'assure le respect du principe de laïcité. Et ce principe est une chance pour la France. C'est pourquoi il est inscrit à l'article premier de notre Constitution. C'est pourquoi il n'est pas négociable !

Après avoir déchiré la France lors de l'adoption de la grande loi républicaine de séparation des églises et de l'état en 1905, une laïcité apaisée a permis de rassembler tous les Français. A l'épreuve de bientôt un siècle d'existence, elle a montré sa sagesse et recueille l'adhésion de toutes les confessions et de tous les courants de pensée.

Pourtant, malgré la force de cet acquis républicain, et comme l'ont notamment montré les travaux de la Commission présidée par Monsieur Bernard Stasi, Commission à laquelle je veux à nouveau rendre un hommage tout particulier, l'application du principe de laïcité dans notre société est aujourd'hui en débat. Certes, il est rarement contesté. Beaucoup même s'en réclament. Mais sa mise en œuvre concrète se heurte, dans le monde du travail, dans les services publics, en particulier à l'école ou à l'hôpital, à des difficultés nouvelles et grandissantes.

On ne saurait tolérer que, sous couvert de liberté religieuse, on conteste les lois et les principes de la République. La laïcité est l'une des grandes conquêtes de la République. Elle est un élément crucial de la paix sociale et de la cohésion nationale. Nous ne pouvons la laisser s'affaiblir. Nous devons travailler à la consolider.

Pour cela, nous devons assurer effectivement le même respect, la même considération à toutes les grandes familles spirituelles. A cet égard, l'Islam, religion plus récente sur notre territoire, a toute sa place parmi les grandes religions présentes sur notre sol. La création du Conseil Français du Culte Musulman permet désormais d'organiser les relations entre l'état et l'Islam de France. Les musulmans doivent avoir en France la possibilité de disposer de lieux de culte leur permettant de pratiquer leur religion dans la dignité et dans la tranquillité. Malgré les progrès récents, il faut reconnaître qu'il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine. Un nouveau pas sera également franchi quand la formation d'Imams français sera assurée et permettra d'affirmer la personnalité d'un Islam de culture française.

Le respect, la tolérance, l'esprit de dialogue s'enracineront aussi avec la connaissance et la compréhension de l'autre auxquelles chacun d'entre nous doit attacher la plus grande importance. C'est pourquoi il me paraît aujourd'hui primordial de développer l'enseignement du fait religieux à l'école.

Il faut mener, aussi, avec vigilance et fermeté, un combat sans merci contre la xénophobie, le racisme et en particulier contre l'antisémitisme. Ne tolérons pas la banalisation de l'insulte ! Ne minimisons aucun geste, aucune attitude, aucun propos ! Ne laissons rien passer ! C'est une question de dignité.

Nous devons réaffirmer avec force la neutralité et la laïcité du service public. Celle de chaque agent public, au service de tous et de l'intérêt général, à qui s'impose l'interdiction d'afficher ses propres croyances ou opinions. C'est une règle de notre droit, car aucun Français ne doit pouvoir suspecter un représentant de l'autorité publique de le privilégier ou de le défavoriser en fonction de convictions personnelles. De la même manière, les convictions du citoyen ne sauraient l'autoriser à récuser un agent public.

Il faut aussi réaffirmer la laïcité à l'école car l'école doit être absolument préservée.

L'école est au premier chef le lieu d'acquisition et de transmission des valeurs que nous avons en partage. L'instrument par excellence d'enracinement de l'idée républicaine. L'espace où l'on forme les citoyens de demain à la critique, au dialogue, à la liberté. Où on leur donne les clés pour s'épanouir et maîtriser leur destin. Où chacun se voit ouvrir un horizon plus large.

L'école est un sanctuaire républicain que nous devons défendre, pour préserver l'égalité devant l'acquisition des valeurs et du savoir, l'égalité entre les filles et les garçons, la mixité de tous les enseignements, et notamment du sport. Pour protéger nos enfants. Pour que notre jeunesse ne soit pas exposée aux vents mauvais qui divisent, qui séparent, qui dressent les uns contre les autres.

Il n'est pas question, bien sûr, de faire de l'école un lieu d'uniformité, d'anonymat, où seraient proscrits le fait ou l'appartenance religieuse. Il s'agit de permettre aux professeurs et aux chefs d'établissements, aujourd'hui en première ligne et confrontés à de véritables difficultés, d'exercer sereinement leur mission avec l'affirmation d'une règle claire.

Jusqu'à récemment, en vertu d'usages raisonnables et spontanément respectés, il n'avait jamais fait de doute pour personne que les élèves, naturellement libres de vivre leur foi, ne devaient pas pour autant venir à l'école, au collège ou au lycée en habit de religion.

Il ne s'agit pas d'inventer de nouvelles règles ni de déplacer les frontières de la laïcité. Il s'agit d'énoncer avec respect mais clairement et fermement une règle qui est dans nos usages et dans nos pratiques depuis très longtemps.

J'ai consulté. J'ai étudié le rapport de la Commission Stasi. J'ai examiné les arguments de la Mission de l'Assemblée nationale, des partis politiques, des autorités religieuses, des grands représentants des grands courants de pensée.

En conscience, j'estime que le port de tenues ou de signes qui manifestent ostensiblement l'appartenance religieuse doit être proscrit dans les écoles, les collèges et les lycées publics.

Les signes discrets, par exemple une croix, une étoile de David, ou une main de Fatima, resteront naturellement possibles. En revanche les signes ostensibles, c'est-à-dire ceux dont le port conduit à se faire remarquer et reconnaître immédiatement à travers son appartenance religieuse, ne sauraient être admis. Ceux-là — le voile islamique, quel que soit le nom qu'on lui donne, la Kippa ou une croix manifestement de dimension excessive — n'ont pas leur place dans les enceintes des écoles publiques. L'école publique restera laïque.

Pour cela une loi est évidemment nécessaire. Je souhaite qu'elle soit adoptée par le Parlement et qu'elle soit pleinement mise en œuvre dès la rentrée prochaine. Dès maintenant je demande au Gouvernement de poursuivre son dialogue, notamment avec les autorités religieuses, et d'engager une démarche d'explication, de médiation et de pédagogie.

Notre objectif, c'est d'ouvrir les esprits et les cœurs. C'est de faire comprendre aux jeunes concernés les enjeux de la situation et de les protéger contre les influences et les passions qui, loin de les libérer ou de leur permettre d'affirmer leur libre arbitre, les contraignent ou les menacent.

Dans l'application de cette loi, le dialogue et la concertation devront être systématiquement recherchés, avant toute décision.

En revanche, et la question a été soulevée, je ne crois pas qu'il faille ajouter de nouveaux jours fériés au calendrier scolaire, qui en compte déjà beaucoup. De plus, cela créerait de lourdes difficultés pour les parents qui travaillent ces jours-là. Pour autant, et comme c'est déjà largement l'usage, je souhaite qu'aucun élève n'ait à s'excuser d'une absence justifiée par une grande fête religieuse comme le Kippour ou l'Aït-El-Kebir, à condition que l'établissement en ait été préalablement informé. Il va de soi aussi que des épreuves importantes ou des examens ne doivent pas être organisés ces jours là. Et des instructions en ce sens seront données aux recteurs par le ministre de l'éducation nationale.

Il faut aussi rappeler les règles élémentaires du vivre ensemble. Je pense à l'hôpital où rien ne saurait justifier qu'un patient refuse, par principe, de se faire soigner par un médecin de l'autre sexe. Il faudra que la loi vienne consacrer cette règle pour tous les malades qui s'adressent au service public.

De la même manière, le ministre du travail devra engager les concertations nécessaires et, si besoin, soumettre au Parlement une disposition permettant au chef d'entreprise de réglementer le port de signes religieux, pour des impératifs tenant à la sécurité -cela va de soi- ou aux contacts avec la clientèle.

D'une manière générale, je crois souhaitable qu'un " Code de la laïcité " réunisse tous les principes et les règles relatifs à la laïcité. Ce code sera remis notamment à tous les fonctionnaires et agents publics le jour de leur entrée en fonction.

Par ailleurs, le Premier ministre installera auprès de lui un Observatoire de la laïcité chargé d'alerter les Français et les pouvoirs publics sur les risques de dérive ou d'atteinte à ce principe essentiel.

 

Enfin, notre combat pour les valeurs de la République doit nous conduire à nous engager résolument en faveur des droits des femmes et de leur égalité véritable avec les hommes. Ce combat est de ceux qui vont dessiner le visage de la France de demain. Le degré de civilisation d'une société se mesure d'abord à la place qu'y occupent les femmes.

Il faut être vigilant et intransigeant face aux menaces d'un retour en arrière et elles existent.

Nous ne pouvons pas accepter que certains, s'abritant derrière une conception tendancieuse du principe de laïcité, cherchent à saper ces acquis de notre République que sont l'égalité des sexes et la dignité des femmes. Je le proclame très solennellement : la République s'opposera à tout ce qui sépare, à tout ce qui retranche, à tout ce qui exclut ! La règle, c'est la mixité parce qu'elle rassemble, parce qu'elle met tous les individus sur un pied d'égalité, parce qu'elle se refuse à distinguer selon le sexe, l'origine, la couleur, la religion.

En matière de droits des femmes, notre société a encore beaucoup de progrès à faire. La nouvelle frontière de la parité, c'est désormais l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Chacun doit en prendre conscience et agir dans ce sens. Et je compte m'y engager personnellement dans les prochaines semaines.

 

 

 

Mesdames et Messieurs,

Les débats sur la laïcité, l'intégration, l'égalité des chances, le droit des femmes, nous posent une même question : quelle France voulons-nous, pour nous et pour nos enfants ?

Nous avons reçu en héritage un pays riche de son histoire, de sa langue, de sa culture, une Nation forte de ses valeurs et de ses idéaux.

Notre pays, la France, chacun doit en être fier. Chacun doit se sentir dépositaire de son héritage. Chacun doit se sentir responsable de son avenir.

Sachons transformer les interrogations d'aujourd'hui en atouts pour demain. En recherchant résolument l'unité des Français. En confirmant notre attachement à une laïcité ouverte et généreuse telle que nous avons su l'inventer année après année. En faisant mieux vivre l'égalité des chances, l'esprit de tolérance, la solidarité. En menant résolument le combat pour les droits des femmes. En nous rassemblant autour des valeurs qui ont fait et qui font la France.

C'est ainsi que nous resterons une Nation confiante, sûre, forte de sa cohésion. C'est ainsi que nous pourrons réaffirmer l'ambition qui nous rassemble de bâtir, pour notre pays et pour nos enfants, un avenir de progrès et de justice.

C'est l'un des grands défis lancé à nos générations. Ce défi, nous pouvons, nous devons, nous allons le relever ensemble.

Tous ensemble.

 

 

 

Je vous remercie.


 

Annexe 3 : Loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics[45]

 

NOR: MENX0400001L

discutée du 3 au 5 février 2004, adoptée le 10 février 2004, et publiée au Journal officiel 65 du 17 mars 2004 page 5190

 

L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté, le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

 

Article 1

Il est inséré, dans le code de l'éducation, après l'article L. 141-5, un article L. 141-5-1 ainsi rédigé : « Art. L. 141-5-1. - Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. Le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève. »

 

Article 2

I. - La présente loi est applicable :

1° Dans les îles Wallis et Futuna ;

2° Dans la collectivité départementale de Mayotte ;

3° En Nouvelle-Calédonie, dans les établissements publics d'enseignement du second degré relevant de la compétence de l'état en vertu du III de l'article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

II. - Le code de l'éducation est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l'article L. 161-1, les références : « L. 141-4, L. 141-6 » sont remplacées par les références : « L. 141-4, L. 141-5-1, L. 141-6 » ;

2° A l'article L. 162-1, les références : « L. 141-4 à L. 141-6 » sont remplacées par les références : « L. 141-4, L. 141-5, L. 141-5-1, L. 141-6 » ;

3° A l'article L. 163-1, les références : « L. 141-4 à L. 141-6 » sont remplacées par les références : « L. 141-4, L. 141-5, L. 141-6 » ;

4° L'article L. 164-1 est ainsi modifié :

a) Les références : « L. 141-4 à L. 141-6 » sont remplacées par les références : « L. 141-4, L. 141-5, L. 141-6 » ;

b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'article L. 141-5-1 est applicable aux établissements publics d'enseignement du second degré mentionnés au III de l'article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie qui relèvent de la compétence de l'état. »

III. - Dans l'article L. 451-1 du même code, il est inséré, après la référence : « L. 132-1, », la référence : « L. 141-5-1, ».

 

Article 3

Les dispositions de la présente loi entrent en vigueur à compter de la rentrée de l'année scolaire qui suit sa publication.

 

Article 4

Les dispositions de la présente loi font l'objet d'une évaluation un an après son entrée en vigueur. La présente loi sera exécutée comme loi de l'état.

 

Fait à Paris, le 15 mars 2004.

 

Suivent les signatures : Jacques Chirac (Président de la République), Jean-Pierre Raffarin (Premier ministre), Luc Ferry (Ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, Brigitte Girardin (Ministre de l'outre-mer), Xavier Darcos (Ministre délégué à l'enseignement scolaire).


 

Annexe 3 : Extraits de L’idée républicaine aujourd’hui : Guide républicain, distribué à l’initiative de Monsieur François Fillon, Ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche[46]

 

Mona Ozouf, 1, Abécédaire : école et République

Évoquer la République et l’école, c’est toucher à la plus éclatante des singularités françaises. Aucun autre pays n’a mobilisé autour de la question scolaire des passions aussi fortes. Aucun non plus n’a célébré de manière plus exaltée le lien qui unit l’école et le régime républicain.

Pour le comprendre, il faut revenir à la Révolution française. Les hommes de la Révolution n’ont inventé ni les salles de classe ni les écoliers, qui existaient bien avant eux, mais ils ont mis l’école au centre de leur ambition. Pourquoi ? C’est d’abord qu’ils font dépendre la liberté du peuple de l’instruction, seule capable de former des citoyens éclairés et des hommes libres. C’est aussi qu’ils voient dans une instruction unifiée la condition de la cohésion nationale. Ils élaborent donc une nouvelle image de l’école, qui doit être à la fois le lieu de l’émancipation individuelle et de l’unité collective, identique d’un bout à l’autre du territoire de la République : mêmes maîtres, mêmes programmes, mêmes livres. Ce rêve éducatif a beau être emporté par la défaite rapide de notre premier régime républicain, il continue à cheminer souterrainement tout au long du XIXe siècle, jusqu’à ce que l’installation, dans les années 1880, d’une République durable, permette enfin de l’incarner.

C’est alors, entre 1881 et 1886, l’époque des grandes lois qui organisent, aujourd’hui encore, notre enseignement : gratuité, car, comment, sans elle, garantir le droit de tout petit français à l’instruction ? Obligation, car comment, sans cette contrainte apparente, protéger la liberté enfantine ? Laïcité enfin, et c’est elle qui fait la singularité de notre pays. L’école républicaine se donne une mission unificatrice et civique, et doit donc enseigner une morale commune, exempte de tout ce qui particularise et divise les individus, et donc acceptable par chacun, quelles que soient par ailleurs ses convictions religieuses. C’est dire que la religion doit être tenue hors de l’école républicaine, qu’il s’agisse de ses représentants (les prêtres), de ses emblèmes (à cette époque, ce sont les crucifix), de son contenu (le catéchisme). Une entreprise qui a réussi dans la mesure où elle a progressivement amené l’église catholique elle-même à admettre la neutralité en matière religieuse.

Mais ceci n’a été possible que parce que cet idéal de séparation entre l’esprit civique et la foi religieuse a eu une face positive, la tolérance. La République en effet n’a pu s’acclimater en France qu’en rompant avec le dogmatisme de la Révolution. Jules Ferry ne souhaitait pas être l’apôtre d’un nouvel évangile ». Dans leur majorité, les Républicains n’ont pas voulu le combat frontal avec l’église et cherché plus souvent qu’on ne croit des accommodements pragmatiques. Ils n’ont pas exclu de l’école la liberté d’expression et la manifestation des croyances. Aujourd’hui, où la République trouve en face d’elle des communautés qui refusent de disjoindre l’opinion religieuse et le comportement public, le très difficile problème qui lui est posé est de rester fidèle à cette conception libérale de la laïcité.

 

Bernard Stasi, 1, Abécédaire : Laïcité

La grande loi républicaine du 9 décembre 1905 qui sépare les églises et l’état est le socle du « vivre ensemble » en France. C’est par elle que la laïcité s’est enracinée dans nos institutions.

Les trois valeurs indissociables qu’elle définit en font la pierre angulaire de notre pacte républicain. La liberté de conscience, d’abord, qui permet à chaque citoyen de choisir sa vie spirituelle ou religieuse ; l’égalité en droit des options spirituelles et religieuses, ensuite, qui interdit toute discrimination ou contrainte ; enfin la neutralité du pouvoir politique qui reconnaît ses limites en s’abstenant de toute ingérence dans le domaine spirituel ou religieux.

La loi de 1905 affirme donc la dissociation de la citoyenneté et de l’appartenance religieuse. La France cesse de se définir comme une nation catholique.

Si cette séparation fut douloureusement ressentie par beaucoup de Français et a suscité de nombreux conflits, la laïcité a finalement réussi à transformer le combat en valeur républicaine partagée.

Depuis 1905, le contexte a évolué. Sous l’effet de l’immigration, la France est devenue plurielle sur le plan spirituel et religieux. Il s’agit, dans le respect de la diversité de notre société, de forger l’unité. Si, au nom du principe de la laïcité, la France doit accepter d’accueillir les nouvelles religions, celles-ci doivent aussi respecter pleinement les valeurs républicaines. C’est à cette condition que leur intégration sera réussie.

La laïcité c’est la liberté, mais c’est aussi l’égalité, l’égalité entre les citoyens quelle que soit leur croyance.

C’est à l’état que revient la mission de veiller, dans les relations avec les cultes et avec l’ensemble des familles spirituelles, à ce que tous puissent s’exprimer. C’est lui qui doit faire en sorte qu’aucun groupe, qu’aucune communauté ne puisse imposer à qui que ce soit une appartenance religieuse, en particulier en raison de ses origines. La laïcité est donc à l’avant-garde du combat contre les discriminations.

Mais la laïcité, c’est aussi et surtout la fraternité. Parce qu’elle reconnaît et respecte les différences culturelles, spirituelles, religieuses, elle a aussi pour mission, et c’est la plus noble de toutes, de créer les conditions permettant à tous de vivre ensemble, dans le respect réciproque et dans l’attachement commun à un certain nombre de valeurs.

Ces valeurs qui doivent nous unir, ce sont celles que l’on apprend à l’école. Et c’est en cela que l’école est un espace spécifique qui accueille des enfants et des adolescents auxquels elle doit donner les outils intellectuels leur permettant, quelles que soient leurs origines, leurs convictions ou celles de leurs parents, de devenir des citoyens éclairés, apprenant à partager, au-delà de toutes leurs différences, les valeurs de notre République.

C’est la raison pour laquelle, si l’école ne doit pas être à l’abri du monde, les élèves doivent être protégés de la « fureur du monde ». Face aux conflits qui divisent, face aux comportements et aux signes qui exaltent la différence, l’école doit apporter sa contribution à cette communauté de valeurs, de volontés et de rêves qui fondent la République.

Empreinte de liberté, d’égalité et de fraternité, la laïcité est le fondement du pacte républicain.


 

Annexe 4 : Circulaire n° 88-112 du 22 avril 1988 à propos de l’enseignement religieux et des aumôneries dans l’enseignement public

 

Il est apparu nécessaire de préciser les modalités d'application de la réglementation relative à l'enseignement religieux et aux aumôneries dans l'enseignement public fixée par le décret n° 60-391 du 22 avril 1960 et l'arrêté du 8 août 1960.

Les nombreuses modifications qui ont marqué le système éducatif au cours des dix dernières années ont une incidence sur le fonctionnement des services d'aumônerie. Ainsi, la décentralisation a modifié le statut des établissements et confié aux conseils d'administration des responsabilités en matière d'organisation du temps scolaire et d'utilisation des locaux qui doivent être prises en compte. De même, les lois relatives à l'amélioration des relations entre l'administration et les usagers (« Motivation des actes administratifs » - « Informatique, fichiers et liberté ») modifient les procédures instituées en 1960.

La présente circulaire traite uniquement de l'enseignement religieux dispensé dans les établissements publics d'enseignement par les services d'aumônerie.

Les circulaires du 8 août 1960, du 8 septembre 1961, du 27 octobre 1961, du 13 juin 1962, n° IV-67-351 du 27 décembre 1967 et n° 79-452 du 19 décembre 1979 sont abrogées.

 

I. CRÉATION D'AUMÔNERIES

Pour les établissements publics d'enseignement du second degré, la création d'une aumônerie est liée à l'existence d'une demande émanant des familles.

Les demandes présentées par les parents, les représentants légaux d'élèves ou par les élèves majeurs doivent être établies individuellement, à l'exclusion de toute formule collective portant seulement la signature des intéressés. Elles sont adressées au chef d'établissement.

Elles peuvent être établies sur formulaire ou sur papier libre dès lors que le culte choisi, le nom de la famille, l'adresse, la signature, portés à la main, manifestent clairement la volonté de la famille intéressée.

 

I.A) Dans les établissements comportant un internat, l'institution du service d'aumônerie est de droit dès qu'elle a été demandée.

Le chef d'établissement fait alors connaître au recteur :

L'effectif, par classe et par confession, des élèves désireux de suivre un enseignement religieux ;

L'horaire prévu pour chaque groupe ;

Les locaux où l'enseignement doit être donné.

 

I.B) Les établissements qui ne comportent pas d'internat peuvent être dotés d'un service d'aumônerie sur décision du recteur.

1. Dans le délai prévu à l'article 5 de l'arrêté du 8 août 1960, c'est-à-dire deux semaines après la rentrée scolaire, le chef d'établissement doit adresser au recteur un dossier comprenant la totalité des demandes reçues, la répartition des élèves intéressés entre les différents cultes et les différentes classes, les conditions dans lesquelles cet enseignement peut être donné, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur de l'établissement, compte tenu des considérations suivantes :

L'organisation de la semaine scolaire, avec indication des activités scolaires ou parascolaires organisées le mercredi ;

Proximité ou éloignement des lieux de culte ;

Caractéristiques des élèves concernés (âge, répartition entre externes et demi-pensionnaires...) ;

Contraintes externes telles que les horaires des services de transport scolaire ;

Existence ou non, à l'intérieur de l'établissement, de locaux pouvant être utilisés pour l'enseignement religieux ;

Avis de conseil d'administration de l'établissement sur les conditions de fonctionnement du service d'aumônerie. Si le conseil d'administration n'a pu être saisi de cette question dans le délai donné au chef d'établissement pour établir son rapport, cet avis devra parvenir comme complément au recteur avant l'échéance laissée à celui-ci pour décision.

Compte tenu de la brièveté du délai imparti, il est souhaitable que les demandes des familles et l'avis du conseil d'administration soient recueillis avant la fin de l'année scolaire précédant celle de l'envoi du dossier au recteur.

2. Il appartient au recteur seul de juger du bien-fondé de la demande. Le chef d'établissement doit lui transmettre la totalité des demandes qui lui ont été adressées, accompagnées de toutes observations et suggestions qu'il estimerait devoir formuler personnellement. Le recteur peut demander les éléments d'information complémentaires et s'entourer des avis qu'il juge nécessaires.

L'appréciation du recteur porte sur deux points distincts :

Sur l'opportunité de la création d'une aumônerie. La règle générale doit être d'accorder satisfaction aux voeux des demandeurs, même si ceux-ci ne représentent qu'un très faible pourcentage de l'effectif total de l'établissement. Un refus, en effet, leur porte préjudice, alors que la création du service de

l'aumônerie ne nuit en rien aux convictions ni à la liberté de conscience des autres membres de la communauté scolaire ;

Sur l'opportunité d'organiser l'enseignement à l'intérieur de l'établissement. Le recteur dispose à cet égard de la liberté d'appréciation la plus large.

 

I.C) Que l'établissement scolaire comporte ou non un internat, l'organisation du service d'aumônerie ne devient définitive qu'après l'agrément par le recteur sur proposition des autorités religieuses concernées, du responsable de l'aumônerie et, éventuellement, des personnes qui l'aideront en qualité d'adjoint (cf. art. 6 et 7 du décret n o 60-391 du 22 avril 1960).

La désignation d'un adjoint peut être autorisée quand le nombre ou la répartition des heures d'enseignement le rend nécessaire.

Pour tenir compte de situations locales, le recteur peut, à la demande de l'autorité religieuse et après avis des chefs d'établissement, être conduit à autoriser la constitution d'équipes de responsables d'aumônerie nommément désignés en vue d'exercer soit dans un ensemble d'établissements scolaires, soit auprès d'élèves d'un même établissement mais de niveaux différents.

 

I.D) La décision du recteur sur la création de l'aumônerie doit être notifiée au chef d'établissement avant le 1er novembre. Le recteur peut demander un complément d'information qui doit être fourni dans la quinzaine qui suit, ou prescrire des modifications ou un complément aux dispositions proposées.

Dans toute la mesure du possible, l'ensemble des décisions du recteur nécessaires au fonctionnement d'une aumônerie doit ainsi intervenir dans le courant du premier trimestre pour permettre à l'aumônerie d'entrer en activité lors de la rentrée scolaire du second trimestre.

Lorsqu'un établissement doté d'une aumônerie change de statut ou de locaux, le service d'aumônerie sera maintenu, sauf empêchement qu'il appartiendra au recteur d'apprécier.

Les décisions négatives du recteur devront être motivées au sens de la loi n° 86-76 du 17 janvier 1986 qui élargit le domaine de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs à une nouvelle catégorie de décisions : les refus d'autorisation (cf. ma note de service n° 87-435 du 18 décembre 1987, annexe A.6).

 

II. FONCTIONNEMENT DE L'AUMÔNERIE

Une fois connu l'agrément du recteur, le responsable de l'aumônerie sera reçu par le chef d'établissement qui examinera avec lui les conditions de fonctionnement de l'aumônerie.

 

II.A INSCRIPTION DES ÉLÈVES

Lors de la création du service d'aumônerie ou lors de la première inscription d'un élève dans l'établissement, le chef d'établissement doit informer l'élève, s'il est majeur, ou ses parents ou représentants légaux, de l'existence d'un service d'aumônerie.

 

1. Pour le premier cycle

S'il s'agit d'une première inscription de l'élève dans l'établissement, les parents ou représentants légaux indiquent, sur la fiche d'inscription qu'ils doivent remplir, et qui doit comporter une rubrique à cet effet ou, à défaut, sur un feuillet ad hoc annexé à cette fiche, s'ils désirent que l'élève suive les activités du service d'aumônerie ; dans l'affirmative, ils précisent le culte choisi.

 

2. Pour le second cycle

Les élèves font eux-mêmes cette demande. Pour les élèves mineurs, les parents en seront informés et pourront s'y opposer.

 

3. Dispositions communes

S'agissant des élèves en cours de scolarité, leur inscription aux activités du service de l'aumônerie sera effectuée dans des délais fixés d'un commun accord par le chef d'établissement et le responsable de l'aumônerie ou, à défaut, à tout moment de l'année.

Les formulaires d'inscription dans l'établissement scolaire ou tout autre document comportant des questions relatives à l'enseignement religieux doivent préciser clairement que les réponses à ces questions sont facultatives. En outre, les chefs d'établissement devront faire savoir aux parents ou à l'élève majeur que l'inscription aux activités du service d'aumônerie peut entraîner la nécessité de conserver l'enregistrement de cette inscription dans un fichier manuel ou informatisé. A cet effet, ils devront impérativement recueillir l'accord express des intéressés. Les dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 , notamment ses articles 27 et 31, les notes de service n° 85-470 du 13 décembre 1985 et n° 87-99 du 31 mars 1987 portant publication de délibérations de la commission nationale de l'informatique et des libertés doivent être respectées.

Le choix fait lors de la première inscription vaut tant qu'il n'a pas été modifié par écrit. Les noms et adresses des élèves inscrits seront tenus à la disposition du responsable de l'aumônerie qui devra refuser de recevoir les élèves non inscrits et les renvoyer au chef d'établissement responsable de leur scolarité auprès des familles.

Le chef d'établissement, dès le commencement des activités du service d'aumônerie, informera par écrit les personnes concernées des conditions d'organisation de ces activités et de leur horaire. Il peut en autoriser l'affichage.

 

II.B) CONDITIONS D'ORGANISATION DE L'AUMÔNERIE

 

1. L'enseignement religieux prend place dans le cadre du temps scolaire normal de l'établissement dont les principes sont fixés par le conseil d'administration en vertu de l'article 2 du décret n° 85-924 du 30 août 1985 relatif aux EPLE.

En règle générale, il est dispensé le mercredi ou, en cas d'empêchement, aux heures laissées libres à l'emploi du temps. A cet égard, une concertation préalable entre le chef d'établissement et le responsable de l'aumônerie est indispensable pour fixer cet horaire en fonction de contraintes multiples (activités socio-éducatives de l'établissement, organisation d'études dirigées et d'activités de soutien, activités organisées par la collectivité territoriale pendant les heures d'ouverture de l'établissement (art. 26 de la loi du 22 juillet 1983), modification des heures d'entrée et de sortie de l'établissement par le maire (art. 27 de la loi du 22 juillet 1983), transports scolaires, etc. Il sera également tenu compte de la disponibilité des responsables de l'aumônerie.

Lorsqu'une modification de l'organisation du temps scolaire est envisagée par le conseil d'administration de l'établissement, les autorités des différents cultes concernés doivent être consultées, avant décision du conseil d'administration, au même titre que les autres partenaires de l'établissement scolaire.

Si, pour une raison particulière (cérémonies, visites médicales, sorties et voyages, activités exceptionnelles de l'établissement, etc.), les élèves ne peuvent se rendre à l'aumônerie, le chef d'établissement en avertit, au moins deux jours à l'avance, le responsable de l'aumônerie. La rencontre ainsi supprimée est récupérée par accord entre eux.

 

2. En vue de faciliter le libre exercice du service de l'aumônerie lorsqu'il fonctionne à l'intérieur de l'établissement, le chef d'établissement devra réserver à des heures déterminées une salle permettant au responsable de l'aumônerie de recevoir les élèves inscrits. Une délibération du conseil d'administration pourra prévoir d'affecter spécifiquement un local de l'établissement à l'aumônerie.

 

3. Dans le cas où l'aumônerie a été créée à l'intérieur de l'établissement, un certain nombre d'activités religieuses sont néanmoins susceptibles d'avoir lieu à l'extérieur. Les internes peuvent, après accord écrit de leurs parents, être autorisés à participer à ces sorties organisées sous la surveillance du responsable de l'aumônerie.

 

II.C) MODALITÉS ADMINISTRATIVES DE FONCTIONNEMENT

Il convient de distinguer deux situations précises.

 

1. Les services d'aumônerie fonctionnant à l'intérieur de l'établissement scolaire

Pendant le temps où les élèves sont placés sous la garde du responsable de l'aumônerie, la responsabilité de l'Etat est substituée à celle du responsable de l'aumônerie dans les conditions de la loi du 5 avril 1937 . En cas d'accident, le responsable de l'aumônerie doit donc, comme les enseignants, en rendre compte, verbalement et par écrit, au chef d'établissement.

Le responsable de l'aumônerie n'assiste à aucun conseil de caractère administratif ou pédagogique. A l'intérieur de l'établissement, son activité est uniquement consacrée à l'instruction et à la formation religieuse des élèves qui lui sont confiés.

Les dépenses relatives au culte et à l'enseignement religieux sont à la charge des familles, les collectivités publiques pouvant y contribuer conformément aux dispositions de l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905.

 

2. Les services d'aumônerie fonctionnant en dehors de l'établissement scolaire

Les élèves devant, pour assister aux activités du service d'aumônerie, quitter l'établissement et y revenir, la responsabilité du chef d'établissement est dégagée pendant la durée de leur absence. C'est au responsable de l'aumônerie qu'il appartient de venir les chercher et de les ramener à l'établissement, où leur retour sera contrôlé dans les conditions réglementaires.

Si les activités de l'aumônerie se situent en début ou en fin de période scolaire, le trajet entre le domicile et le local d'aumônerie est assimilé au trajet entre le domicile et l'établissement scolaire et les élèves peuvent l'effectuer sans accompagnement.

Dans les établissements ne comportant pas d'aumônerie, l'enseignement religieux est laissé à la discrétion des familles. Toutefois, dans les collèges, les chefs d'établissement doivent, avant d'établir l'organisation de la semaine scolaire, se mettre en rapport avec les autorités religieuses compétentes afin de s'assurer que les familles qui le désirent soient en mesure de faire donner à leurs enfants l'instruction religieuse de leur choix.

Par ailleurs, les chefs d'établissement sont responsables de l'application du règlement intérieur de l'établissement qui rappelle notamment le devoir pour chaque membre de la communauté scolaire de veiller au respect des principes de laïcité et de pluralisme, ainsi que le devoir de tolérance et de respect d'autrui dans sa personnalité et dans ses convictions (cf. art. 3 du décret n° 85-924 du 30 août 1985).

Quelles que soient les modalités selon lesquelles sera organisé et dispensé l'enseignement religieux, les chefs d'établissement ont un rôle déterminant dans l'application de cette réglementation qui suppose une importante concertation avec les responsables de l'aumônerie. S'il survient des difficultés, ils voudront bien, si la négociation locale n'aboutit pas, en rendre compte par la voie hiérarchique au recteur d'académie, qui étudiera le problème posé en liaison avec l'autorité religieuse compétente.


 

[1] Ne concernant que l’enseignement primaire, elle fixe le principe de neutralité des programmes, exclue tout contrôle de l’enseignement et encadrement des écoles par des ministres des cultes, remplace l’instruction religieuse par une instruction morale, et fixe le principe d’une instruction religieuse possible mais hors des édifices scolaires.

[2] Seuls les laïcs peuvent enseigner dans les écoles publiques.

[3] Désormais nommée  « loi de 1905 » (cf. annexe 1).

[4] Désormais nommée « loi de 2004 » (cf. annexe 3).

[5] Sénateur U.M.P. de la Gironde

[6] En fait, laÒj a un sens générique nettement moins ambitieux que celui que lui prête M. le sénateur, désignant essentiellement la foule informe par opposition à dÁmoj qui, lui, désigne l’assemblée constituée des citoyens !

[7] Le texte met une majuscule à « kippa », contrairement à l’usage, car c’est bien un nom commun.

[8] Cela n’est pas apparu évident au Conseil d’état qui, dans un avis du 27 novembre 1989, estimait que « dans les établissements scolaires, le port, par les élèves, de signes par lesquels ils entendent manifester leur appartenance à une religion n’est pas par lui-même incompatible avec le principe de laïcité ».

[9] l’avis déjà cité du Conseil d’état du 27 novembre 1989, s’était arrêté à un terme plus fort (ostentatoire) qui ajoutait une intention au simple port d’un signe religieux, donnant une liste des intentions qui ne sauraient être tolérées (pression, provocation, prosélytisme, atteinte à la dignité, à la santé, à la sécurité, trouble).

[10] A l’instar de M. Jean-Pierre Dufau, député socialiste des Landes (Rapport 1381 fait à l’Assemblée nationale par M. Pascal Clément en date du 28 janvier 2004 : Discussion générale).

[11] On a débattu quant à l’effet de la loi sur le statut spécial de la Moselle, du Bas et du Haut-Rhin (avec un argument renversant : le législateur estime que la loi s’applique à ces territoires, puisque leur statut n’a rien prévu sur la question des signes religieux, la loi ne modifiant donc pas le statut), et on a exclu la Polynésie de son champ d’application (Rapport Clément, III, A, 3, op. cit.).

[12] On se rappelle que M. Jean-Louis Debré (Président de l’Assemblée nationale et par ailleurs Président de la Mission d’information de l’Assemblée parlementaire sur la question des signes religieux à l’école), avait publiquement exprimé son souhait de voir la loi étendue aux établissements privés, au moins ceux sous contrat.

[13] L’idée d’appliquer la loi aux universités a été écartée en arguant du fait que « les élèves y sont alors majeurs et surtout [que] la libre circulation des élèves et des intervenants rendrait impossible la mise en œuvre d’une telle interdiction » (Rapport Clément, examen des articles, op. cit.).

[14] « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi » : le « même religieuses » est assez savoureux, le problème du trouble étant qu’il suffit de changer la loi pour créer les conditions d’un trouble. Tout dépend donc de l’intention du législateur.

[15] Cf. supra et « cette loi n’est en rien synonyme de sanction ou d’exclusion (…) [c’] est, en fait, un espoir de liberté, une garantie d’égalité et de fraternité [et en cela, la loi est] fidèle à notre esprit d’ouverture, de respect, d’égalité » (Rapport Valade, adresse).

[16] L’idée est que si on interdit le port des signes religieux en tant que tels, ces Cours interviendront pour rappeler le législateur au respect de la liberté d’expression, en particulier religieuse (le « droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion … implique … la liberté de manifester sa religion … individuellement ou collectivement, en public ou en privé » : Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, article 9) : en n’interdisant que les signes ostensibles on n’interdit donc pas le port de ces signes en tant que tels !

[17] Ainsi, après avoir reconnu que « l’avis rendu le 27 novembre 1989 [par le Conseil d’état est] juridiquement incontestable » (Rapport Valade, II, A, 1), le rédacteur se sort de l’ornière où il s’est lui-même mis en appelant à sa rescousse Régis Debray qui établit que le Conseil d’état a « formellement raison, mais historiquement tort » (Rapport Valade, III, A, 1). Si tout le monde a compris à quoi servait Régis Debray, on se demande à quoi sert le Conseil d’état.

[18] L’article 10 de la loi du 10 juillet 1989 (article L. 511-2 du Code de l’éducation) reconnaît aux élèves « des collèges et lycées » le droit à « la liberté d’expression », dans la limite où cet exercice n’empêche pas le bon fonctionnement du service public de l’enseignement.

[19]  556 affaires d'agressions sexuelles, dont 12% de viols, pour l'année scolaire 1998-99 (L’Express, 3 mai 2001).

[20] Le Figaro (15 juin, 6 septembre 2000, 25 octobre 2000, 29 novembre 2000, 26 février01).

[21] 5300 selon Le Monde (20 février 2000), 6300 selon Le Figaro (15 juin et 25 octobre 2000, et 26 février 2001).

[22] Le Monde, 18 janvier 2000.

[23] Le Figaro, 18 et 21 novembre 2000, 12 janvier 2001 et 09 février 2001.

[24] Le Monde, 22 janvier, 3 février et 25 juin 2000 ; Le Figaro, 09 et 10 juin 2000.

[25] Le Figaro, 10 novembre 2000.

[26] Le Monde, 22 janvier 2000.

[27] Le Monde, 22 janvier et 10 février 2001.

[28] Le Monde, 29 janvier 2000.

[29] Le Monde, 20 février 2000.

[30] Le Monde, 27 janvier 2001.

[31] Du primaire (Le Monde, 26 septembre 2000) à l’université (Le Monde du 12 mai 2000 où le journaliste dit que l’on observe à l’université des « comportements issus de la culture des rues »), sans épargner les meilleurs lycées publics (Valeurs actuelles du 28 janvier 2000 ; Le Point du 15 décembre 2000).

[32] Député U.M.P. de Paris.

[33] Député U.M.P. de la Drome.

[34] Député U.M.P. de Dordogne.

[35] Député U.M.P. des Côtes-d’Armor.

[36] Sénateur socialiste du Val-de-Marne.

[37] Circulaire Jean Zay du 1er juillet 1936.

[38] On pourra s’informer de façon plus large sur cette question soit en consultant les sites du Ministère de l’éducation nationale consacrés aux programmes d’histoire, soit en se reportant à l’excellente analyse de ces programmes donnée dans la revue Histoire du christianisme magazine (n° 14 à 23).

[39] Extrait du site http://www.guyane-education.org/webdisciplinaires/artsplast/le%20dossier%20de%20travaux%20au%20bac.htm.

[40] Sénatrice communiste de l’Isère.

[41] Ce fut en particulier le cas de M. Lionel Jospin.

[42] La Demoiselle en question, qui portait le voile en faisant ses cours, a été exclue.

[43] Désormais appelée GEM.

[44] Article 10 de la Déclaration du Droit de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789.

[45] À l’origine, cette loi devait porter le titre suivant : « Loi relative à l’application du principe de laïcité dans les écoles, collèges et lycées publics ». Ce titre a été modifié lors de la discussion à l’Assemblée nationale.

[46] C.N.D.P./Delagrave, Paris, 2004. Ce guide a été « Tiré à 250 000 exemplaires, il sera envoyé à tous les établissements pour que chaque élève puisse le consulter au centre de documentation et d'information. Par ailleurs, j'ai demandé aux chefs d'établissement de le fournir aux professeurs – notamment de français, d'histoire, de philosophie et d'éducation civique » (François Fillon, Discours de présentation à la presse du Guide républicain, prononcé le 10 juin 2004).

retour