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Les théories de l’évolution à l’épreuve

 

Préliminaires

L’évolutionnisme — on entendra par là, la vision idéologique des choses — postule une démonstration uniforme qu’il refuse d’assimiler à une théorie. C’est une supercherie, car il n’existe pas une seule vision de l’évolution, mais toute une série d’hypothèses plus ou moins compatibles, ce qui, par là même, prouve bien que nous sommes encore dans le champ de la théorie.

Le fait que l’on ne se rendra pas systématiquement aux conclusions des scientifiques qui défendent les théories de l’évolution, ne veut pas dire que l’on méprise leurs apports, à commencer par ceux de Darwin : l’esprit d’observation dont a fait preuve le naturaliste britannique est exceptionnel, son hypothèse de départ tout sauf farfelue et son honnêteté intellectuelle sans faille. Il a vraiment cru ce qu’il a écrit, et n’a rien inventé pour masquer les failles de sa théorie. Regrettons qu’on n’ait pas su mener un dialogue serein avec lui… et que ses successeurs n’aient pas tous montré la même honnêteté ! Cette honnêteté ne manque pas aux chercheurs les plus célèbres du moment, comme en France, le professeur Yves Coppens, qui a reconnu que sa fameuse théorie de « l’East Side Story » avait été invalidée par des découvertes plus récentes[1].

C’est cette même honnêteté que l’on revendique ici, et c’est pourquoi on est parti des conclusions des chercheurs les plus reconnus, et par ailleurs favorables à une vision évolutive des êtres vivants, pour en faire une critique qui se veuille constructive, en regrettant qu’en France du moins, l’approche épistémologique soit largement négligée dans la formation des chercheurs, dont les techniques sont souvent bonnes, mais les conclusions mal assurées.

Commençons par rappeler succinctement ce qu’est la théorie de l’évolution dans sa version classique.

 

Les fondements des théories de l’évolution

Pour Darwin, la chose était entendue : on pouvait extrapoler les phénomènes de microévolution, observables de nos jours, aux phénomènes de macroévolution censés avoir donné naissance aux espèces que nous connaissons actuellement. Cela supposait toutefois de retrouver les « missing links » (chaînons manquants) entre les espèces. Il fallait aussi décrire le processus dit « évolutif ».

La théorie de Darwin reposait sur l’observation de parentés troublantes entre des espèces s’étant développées sur des terres voisines, et l’absence de parenté entre des espèces s’étant développées dans des milieux comparables, mais sans contact. Sur cette lancée, on a montré qu’il existe une « homologie anatomique » entre tous les grands groupes zoologiques, dont les composantes du squelette sont grosso modo les mêmes. L’idée est que l’évolution aurait abouti à des transformations différentes à partir du même schéma de base : on peut par exemple constater cette homologie en comparant les membres antérieurs de l’homme avec ceux de la chauve-souris[2]. Ainsi, l’hominisation se serait accompagnée d’une croissance du volume de la boite crânienne, en même temps que d’une libération de la face et des mains, au cours d’un processus aboutissant à la station debout permanente (André Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, 2 vol., 1964-1965).

Le naturaliste allemand Ernst Haeckel (1834-1919) établit quant à lui que « L’ontogenèse est une courte récapitulation de la phylogenèse » : entendons par là que l’embryon passerait par tous les stades supposés de l’évolution. Par ailleurs, on imagina que l’information génétique contenue dans les molécules d’A.D.N.[3], se serait accumulée dans les gènes à mesure de l’évolution, devenant de plus en plus complexe avec le temps. L’A.D.N. fournissant le support à une sorte d’ « horloge moléculaire », on a alors bâti des modèles mathématiques pour calculer la date de naissance de l’ « Ève mitochondriale[4] » et de l’ « Adam chromosomique ». De même, on a calculé l’âge du « Dernier Ancêtre Commun » (D.A.C.) à l’homme et au chimpanzé, supposé avoir existé avant leur séparation chromosomique.

 

Les visions successives de l’évolution

Dans un premier temps, les caractères communs aux grands singes et aux hommes modernes semblaient si nombreux et si déterminants qu’on imagina une filiation continue entre eux, l’homme apparaissant finalement comme la version la plus évoluée d’un tronc commun qui aurait successivement donné naissance à tous les primates. C’est ainsi qu’on enseigna imprudemment que l’homme « descendait du singe », vision encore très largement inscrite dans les esprits au point qu’elle est devenue un lieu commun de l’illustration que l’on retrouve jusque sur les couvertures des magazines supposés les plus sérieux, sans parler des publicités.

Mais les difficultés s’accumulaient (cf. infra), et il fallut reconsidérer la première vision évolutive, qui fut totalement abandonnée durant les années 1970… tout en continuant à être couramment enseignée ! On imagina alors une solution de rechange dite « phylogénétique » qui revenait à dire que tous les « hominoïdes » — mot forgé pour l’occasion — avaient un ancêtre commun : l’homme qui descendait du singe descendait désormais d’un D.A.C.

Les difficultés ne disparaissant pas pour autant — en particulier celles posées par les datations de plus en plus « aberrantes », selon la formule consacrée —, il fallut admettre que les représentations phylogénétiques simples d’abord imaginées, avaient pu être plus complexes, d’où l’apparition de schémas en forme de ramifications multiples… ou même de faisceaux parallèles ! Par ailleurs, les paléontologues ne sont plus d’accord sur le moment où l’on peut parler d’un « homme incontestable » selon l’expression de Pascal Picq (Au commencement était l’homme : de Toumaï à Cro-Magnon, 2003), qui estime qu’il s’agirait de l’ « Homo ergaster » (homme artisan), mais sur la base des seuls critères morphologiques.

C’est de cet Homo ergaster que l’on fait habituellement dériver deux branches : celle des « Homo erectus » (homme debout) en Asie, et celle des « Homo Heidelbergensis » (homme d’Heidelberg) en Europe, hypothèse que Pascal Picq qualifie de « trop simple et trop rigide » (op. cit., p. 122). La filiation qui mène de l’Homo ergaster au célèbre et problématique « homme de Neandertal » est encore plus floue, au point qu’on a inventé une catégorie de « pré-néandertaliens » (dont le fameux « homme de Tautavel ») qui viennent opportunément combler un vide. La question néandertalienne est d’autant plus obscure qu’on ne sait pas s’il s’agit d’un genre ou d’une sous espèce, d’autant que les analyses d’A.D.N., dont on attendait tout ont donné des résultats une nouvelle fois « aberrants » : en effet, l’A.D.N. des Néandertaliens et celui des hommes anatomiquement modernes d’il y a 60 000 ans (Lac Mungo en Australie)… sont tout aussi différents du notre !

Comme il y aurait eu des pré-néandertaliens, il y aurait eu aussi des « proto-Cro-Magnon », qui auraient tout aussi opportunément précédés les « Cro-Magnon », dont l’origine est particulièrement mal établie (Afrique, Moyen-Orient, Asie, voire Europe centrale ou orientale). Pour l’instant, on s’en tient à la thèse selon laquelle Cro-Magnon et Néandertaliens auraient cohabité en Europe il y a 38 000 ans, avant que les seconds ne disparaissent progressivement il y a 30 000 ans pour des raisons inconnues qui font parfois même évoquer un… génocide ! Nous serions donc les descendants de l’homme de Cro-Magnon.

 

Des pratiques contestables, des théories en ruine

Preuve du désarroi de la communauté scientifique, certains n’ont pas même reculé devant des supercheries (Pithécanthrope, homme de Piltdown, homme de Pékin). De même, quand il n’existait pas de repères chronologiques, on n’a pas hésité pas à en inventer : si l’intention de départ était parfois bonne — il faut bien faire des hypothèses — , on a fini par oublier qu’il s’agissait de propositions et non de certitudes ce qui aboutit à créer une logique circulaire, la thèse vérifiant par avance des conclusions… qui servaient à leur tour à étayer la thèse !

Pour contourner des difficultés croissantes, on a fini par forger un vocabulaire ad hoc : lorsqu’un phénomène ne correspond pas à son stade évolutif supposé, on le dit « en avance sur son temps », ou, au contraire, « régressif », et, en dernier ressort on le qualifie d’ « aberrant » quand on ne parle pas… de « surprise », surnom qui a été donné à une des dernières découvertes d’Australopithèque (Australopithecus garhi, « garhi » voulant dire « surprise » en langue afar, lieu de sa découverte). Le vocabulaire des anthropologues est d’ailleurs d’une remarquable élasticité : le grec « ¥nqropoj » et le latin « homo » — qui signifient tous deux « homme » —, servent en effet à désigner des espèces imaginaires (Pithécanthropes : « homme-singe ») ou presque certainement animales (Homo habilis : homme habile), et quand on n’y voit plus clair on parle de « radiation évolutive », de « lignée évolutive », d’ « évolution en mosaïque », Pascal Picq ayant un mot malheureux mais révélateur quand il dit que « l’homme est le seul … singe migrateur » (op. cit., p. 118) !

Il faut dire que les difficultés ne manquent pas :

On pourrait multiplier à l’infini les problèmes actuellement rencontrés par la paléontologie humaine, Pascal Picq résumant le mieux la situation actuelle en admettant que « la vision progressiste, qui associe une bipédie de plus en plus perfectionnée, un cerveau de plus en plus grand, des mains de plus en plus habiles et des outils de plus en plus diversifiés, vole en éclats » (op. cit., p. 10).

 

Peut-être n’y-a-t-il pas de meilleure conclusion ? Mais certainement faut-il préciser que ni Yvette Deloison ni Pascal Picq, ne sont membres du parti républicain états-unien, ni créationnistes… mais la première chargée de recherche au C.N.R.S., et le second maître de conférence au collège de France, tous deux associés à Yves Coppens qui lui, est titulaire de la chaire de l’évolution !

 

Michel FAUQUIER

Doctorant de l’Université de Tours

Professeur agrégé enseignant en Première supérieure (La Perverie, Nantes)

Et à l’Institut Albert-le-Grand (Les-Ponts-de-Cé)

 

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[1] Dans l’East Side Story, l’Afrique de l’Est du rift était considérée comme le « berceau de l’humanité ». Lors de l’effondrement du rift, celui-ci aurait formé une barrière infranchissable qui aurait déterminé une profonde mutation du milieu Est-africain : les espèces restées coincées à l’Est se seraient trouvées forcées d’évoluer pour survivre, alors que celles de l’Ouest n’auraient pas eu besoin d’évoluer. Tant que toutes les découvertes d’Australopithèques (littéralement « singe austral ») étaient faites à l’Est, tout allait bien, mais la découverte au Tchad par Michel Brunet (professeur à l’université de Poitiers) de deux nouveaux Australopithèques baptisés « Abel » et « Toumaï », a tout fait s’effondrer. Jouant à son tour sur les mots, Michel Brunet a alors parlé d’une « Lac Tchad story », qui, à vrai dire, n’a guère de contenu.

[2] Chacun est composé d’un humérus, d’un cubitus et d’un radius, d’os carpiens, d’os métacarpiens et de phalanges, ces deux derniers étant hypertrophiés chez la chauve-souris, alors que ses carpiens sont atrophiés.

[3] L’Acide DésoxyriboNucléique est une molécule qui entre dans la composition des chromosomes, et dont les segments ou « gènes », déterminent les caractères héréditaires.

[4] Les mitochondries sont des éléments des cellules permettant à celles-ci de respirer, de stocker certaines substances nécessaires leur survie, ainsi que de l’énergie.