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Nigel SPIVEY, L’Art grec, coll. « art & idées », 1997, Françoise GUIRAMAND trad., Phaidon, Paris, 2001, 448 pages

 

Kalos kai agathos, est, comme on le sait, le compliment suprême pour un Grec. Eh bien, l’ouvrage de Nigel SPIVEY (maître de conférence à l’Université de Cambridge) mérite de compliment : régal pour les yeux, il est aussi un régal pour l’esprit et on ne peut que remercier les éditions PHAIDON, d’avoir eu l’heureuse initiative de publier une version française de ce travail, tout en saluant au passage l’excellente traduction de Françoise GUIRAMAND (il faudrait cependant faire attention au fait que les mots féminins en « è » font généralement un pluriel en « ai » et pas en « ès »).

Cet ouvrage s’inscrit dans une collection qui, à terme, couvrira tout le champ artistique mondial. Organisé en huit chapitres chronologico-thématiques, il s’achève sur une dernière partie (« & ») comportant d’utiles instruments de travail (glossaire, monographies, chronologie, cartes, index), dont une bibliographie élémentaire qui aurait pu intégrer un peu plus d’ouvrages en français… compte tenu du public auquel il est destiné !

Cet ouvrage se lit comme un roman qui retiendra aussi bien l’attention du néophyte que celle de l’amateur éclairé. Le premier appréciera le ton très didactique — mais jamais professoral —, de l’ouvrage, ses illustrations superbes, très bien mises en relation avec le texte et toutes utiles (celles des pages 290 et 389 mériteraient toutefois d’être agrandies), et l’intelligent parti pris consistant à exposer ce qui, de l’histoire religieuse, politique et sociale grecque, est nécessaire à la compréhension des enjeux que l’art grec contient ou révèle : il serait cependant utile d’intégrer les remarques de W. F. OTTO et Marcel Détienne (« théomorphisme ») sur l’anthropomorphisme censé caractériser les représentations divines, SPIVEY étant ici victime de l’interprétation traditionnelle anglo-saxonne (W. BURKERT). L’amateur éclairé, quant à lui, saura gré à SPIVEY de faire clairement l’état des grands débats qui concernent l’art grec, tout en n’hésitant pas à sortir du champ des certitudes pour ouvrir des perspectives intéressantes : il y a fort à parier que telle ou telle de ces hypothèses ne laissera pas indifférent, je pense en particulier à l’interprétation de la frise de la colonnade du Mausolée d’Halicarnasse (p. 330 sq.), à la question des portraits d’Alexandre (p. 338 sq.)... Mais SPIVEY n’entre jamais pas dans le champ de l’hypothèse de façon gratuite : au contraire il montre bien les tenants et les aboutissants des questions qu’il pose et les limites des solutions qu’il propose (cf. usage des grandes amphores du géométrique récent p. 74 sq., ou le sens de la frise du Parthénon p. 260 sq.). Peut-être certaines hypothèses sont-elles moins recevables, sans être pour autant inacceptables : l’idée que le figuratisme dériverait de « l’esprit d’émulation » entre artistes (p. 10) et le naturalisme du « processus narratif grec » (p. 100), le parallèle fait entre l’ensemble monumental du fronton est du temple de Zeus à Olympie d’une part et les représentations théâtrales d’autre part (p. 279), ou encore celui effectué entre les masques de théâtre et l’art du portrait sculpté (p. 293-294). De façon générale, les comparaisons ne sont pas toujours très bonnes : les souverains hellénistiques présentés comme des rois de « droit divin » (p. 340), Alexandre comme un « roi soleil » (p. 341) ou son image comme une « amulette » (p. 354)... Quant à dire que Constantin fut le « premier empereur chrétien » (p. 393), c’est carrément une audace ! Il arrive aussi que le lien logique entre l’accroche qui ouvre chaque chapitre et le sujet de ce chapitre ne soit pas toujours évident (cf. p. 212-213). Mais tout cela est bien peu en comparaison des nombreuses qualités de cet ouvrage qui contient quelques mises au point utiles sur l’usage de la couleur (p. 160, 202-205), l’emploi de la perspective (p. 286), le prétendu voyeurisme des artistes grecs (p. 312), le non moins prétendu déclin de l’art hellénistique après Alexandre (p. 358) et le rôle de Pergame dans la transmission du témoin à Rome (p. 363 sq.).

 

M. Michel FAUQUIER

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