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Yann Le Bohec dir., De Zeus à Allah : les Grandes Religions du Monde Méditerranéen, Editions du Temps, Paris, 2004, 219 pages

 

C’est un ouvrage curieux dont Yann Le BOHEC assure la coordination. Le titre déjà : faut-il comprendre qu’il y a un lien de causalité entre l’espace méditerranéen et les cinq religions qui sont l’objet de l’ouvrage ? Veut-on dire qu’il y a un lien de filiation entre ces religions ? L’introduction, seule partie due à Yann Le BOHEC, ne répond pas à ces interrogations légitimes. Le titre est d’ailleurs une promesse de Gascon, car l’ouvrage n’offre qu’un exposé sur les religions des Grecs (Bernadette CABOURET), des Romains (Jean-Pierre MARTIN), juive (Mireille HADAS-LEBEL), chrétienne (Marie-Françoise BASLEZ) et musulmane (Dominique SOURDEL). Faut-il en déduire que les autres religions, dont celle des Égyptiens, sont de petites religions ? Autre curiosité, la place attribuée à l’article sur le judaïsme mis après ceux sur les religions des Grecs et des Romains, ce qui nécessite une mise au point empruntée (p. 115). Ce classement, non explicité d’ailleurs, a l’avantage de séparer religions non révélées et religions révélées, mais aboutit une nouvelle fois à faire l’économie d’une question de fond : comment rendre compte de l’émergence du monothéisme dans un contexte unanimement polythéiste ? Autre problème, alors que les articles sont bâtis sur le même modèle (nature du divin, sources scripturaires, culte, histoire), ils n’adoptent pas la même règle chronologique: pour les Grecs et les Romains, les articles portent sur une tranche médiane, respectivement courte (VIe-IIIe siècle a. C.) et longue (IIe a. C.- IIIe p. C.), pour le christianisme et l’Islam seules les origines sont étudiées, le judaïsme étant traité dans toute sa profondeur.

Il est clair que le projet éditorial de l’ouvrage n’a pas été scientifiquement réfléchi. On ressort abasourdi de la lecture de l’introduction : l’ouvrage est censé répondre aux interrogations religieuses de nos contemporains et aux besoins des candidats aux concours. L’intention est bonne et il était certainement utile de rappeler aux catholiques qu’ils seraient bien inspirés de mieux connaître… le christianisme, et que l’histoire religieuse ne s’arrête pas aux bornes de ce même christianisme ! Le reste du propos est malheureusement nettement moins bien inspiré : car enfin, comment peut-on penser que nos contemporains s’interrogent « sur Dieu ou les dieux », comme s’il s’agissait de la même interrogation : l’auteur de ces lignes croit-il que l’on se rend de nos jours au sanctuaire de Lourdes ou à celui de Delphes pour la même raison ? Que veut dire que les dieux sont « nés » à l’époque antique : faut-il rappeler que le sentiment religieux n’a pas attendu les temps historiques pour se manifester ? On regrettera aussi une fort curieuse présentation du positionnement d’Henri Irénée MARROU que l’on redressera par la lecture de l’excellent ouvrage de Pierre RICHÉ (Henri Irénée Marrou : Historien engagé, coll. « histoire-biographie », Cerf, Paris, 2003)… quant aux parallèles plus que rapides effectués entre les pratiques catholiques et païennes ils soulignent on ne peut mieux les limites des tentatives comparatistes !

Au contraire, le contenu scientifique des articles est très bon. On relèvera une seule coquille de taille dans l’article sur le christianisme (p. 155 : la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception est de 1854, sans lien avec le Premier concile du Vatican), qui, pour le reste, est remarquable. L’article sur « la religion des Grecs » n’est toutefois pas du même niveau que les autres, même si on est redevable à l’auteur d’avoir évité avec à propos l’expression nettement plus contestable de « religion grecque », si souvent usitée : il serait utile de dater les illustrations, de dire clairement que l’opposition classiquement faite entre sacrifices ouraniens et chtoniens est aujourd’hui réévaluée, et de reprendre de fond en comble le chapitre historique qui fait l’impasse sur les origines lointaines de la religion des Grecs laquelle semble être sortie casquée de l’esprit d’Homère, à défaut de la cuisse de Zeus.

 

M. Michel FAUQUIER
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